L’apparition d’un faux grossier mêlant des divagations sur une désertion d’officiers, des ordres du directeur général de la Sûreté nationale à la presse, une broderie numérique de polices de caractères inusitées et d’une signature copiée d’une décision de 2020 marque un nouveau cap dans la guerre de désinformation menée par la presse algérienne, mais des efforts restent à faire pour la plausibilité.
Mardi 6 août, un curieux document a émergé dans la presse algérienne: attribué à Abdellatif Hammouchi et intimant à la presse marocaine de dissimuler une introuvable «désertion de 14 officiers de l’artillerie [stationnés] dans nos provinces du Sud», son authenticité a été promptement démentie par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Ce qui n’a pas empêché de nombreux médias de le relayer, aveugles (ou aveuglés) aux abondantes tares de l’imprimé mis en circulation, un prétendu «ordre confidentiel.»
La diffusion d’un document préalablement imprimé, puis capturé à partir d’un angle de prise de vue en décalage n’est pas l’oeuvre d’un mauvais photographe: ces artifices visent à se protéger d’une analyse forensique qu’aurait permis une image numérique, et qui aurait rapidement démontré le faux. Il s’agit également de dissimuler les nombreux défauts du document.
Ceux-ci demeurent apparents et tangibles, les précautions du photographe ne repêchant pas l’inaptitude du faussaire. À première vue, on relève d’ostensibles aberrations de résolution: si le corps du texte apparaît net, la signature ainsi que le cachet sont flous, produits d’un collage amateur dont l’origine est facilement identifiable.
Une analyse visuelle du document permet en effet rapidement de conclure que la signature coiffant le faux document a été reproduite d’une décision du 7 décembre 2020 accordant une prime exceptionnelle aux agents de la DGSN au titre de l’année 2020, pour leurs efforts dans le contexte pandémique. Incidemment, cette décision est l’un des premiers résultats qui s’affichent en entrant le mot-clé « توقيع عبد اللطيف حموشي » sur Google, ce qui illustre le parcours de recherche plutôt prévisible des faussaires.
Une comparaison image à image permet de discerner le caractère identique des signatures, jusqu’aux aspects les plus spontanés, impossibles à répliquer par le même signataire.
La vitesse scripturale est la même. Les accélérations du tracé laissant entrevoir une même vélocité du geste graphique. La pression scripturale s’exerce de la même façon aux mêmes endroits. On notera par exemple que dans les deux documents, le «N» central présente les mêmes particularités: faible pression au niveau de la boucle surmontant la lettre ainsi qu’au niveau de l’oblique (en rouge), dus au changement de l’orientation de la main et de la trajectoire du stylo; changements du calibre du trait au niveau des fûts montants droit et gauche de la lettre (en bleu), artefacts d’un double passage qui ne parcourt pas l’intégralité de la hauteur de la lettre (jaune).
Les proportions graphiques de la signature sont équivalentes. Les hauteurs sont identiques, les boucles de même diamètre. L’orientation est similaire.
L’emplacement de la signature relativement au texte est également semblable. La signature traverse les mêmes régions du texte, soit les lettres «E» de «DIRECTEUR» (en haut à gauche), «I» de «NATIONALE» (en haut à droite), «م» de «المدير» (en haut à droite), «g» de «signé» (en bas à gauche), «A» de «HAMMOUCHI» (en bas au centre), etc.
Nous souhaitons en conclusion informer les parties intéressées qu’un abonnement équipe Adobe Photoshop coûte la modique somme de 33,49 €/mois par licence, Adobe ne proposant pas malheureusement de tarif “spécial moudjahidine”