La crise sanitaire actuelle appelle au vote d’un nouveau budget rectifié pour la relance économique, Abdelhghani Youmni préconise les mécanismes pour un PLF rectifié efficient et en présente l’impact en deux questions.
1- Que signifie une Loi de finance rectificative et quels seraient les mécanismes opportuns pour la rendre efficiente ?
La crise sanitaire appelle au vote d’un nouveau budget rectifié pour soutenir l’économie, la relance, financer les dépenses publiques et les défaillances en recettes fiscales. Il doit intégrer le dépassement du déficit budgétaire prévisionnel qui sera de l’ordre de 7 à 8%, les recettes du Fond de solidarité COVID-19 de 34 milliards de dirhams et les 3 milliards de dollars de la ligne de précaution accordée par le FMI. De fait, il faudra s’assurer de l’équilibre des comptes publics, et pour cela la seule issue serait d’activer les articles 43,44 et 45 de la loi de finances 2020, s’accorder le droit d’amorcer des dettes conjoncturelles. En cela, la démarche serait d’’émettre des obligations en devises étrangères à long terme pour résorber le déficit des réserves de change et capitaliser sur les taux bas et fixe à l’international. Jusqu’au mois de février 2020, plusieurs économistes poussaient leurs gouvernements à se lancer dans des politiques publiques d’infrastructures et de les financer par cet argent coulant à flot quasi gratuite puis de profiter par la suite d’une légère reprise de l’inflation ce qui rendra les taux réels nuls, cela ressemble à l’ingénieure de seigneuriage des années 1980. Comme partout, nous allons à l’occasion de cette crise pandémique voire se multiplier des ruches de dettes. Pour comprendre ce mécanisme, il faut savoir que l’emprunt donne un coup de pouce à l’Etat et aux entreprises aujourd’hui en échange d’un accroissement de l’impôt demain ou d’une absorption par l’inflation. Cette fourniture de liquidité pourrait aussi se faire aussi en complément au niveau national par le biais d’ d’obligations en monnaie locale et à taux préférentiels financée par les banques privées et par les institutionnels. Enfin le budget rectifié se construira autour du consensus des politiques et vraisemblablement en usant de la policy mix, politique budgétaire d’endettement et d’absorption des chocs macro et microéconomiques et de politique monétaire d’augmentation de la masse monétaire de plusieurs centaines milliards de dirhams, au moins 120 à 150 milliards en échange de l’ émission de titres de créances négociables nationaux et internationaux sur le court et le long terme.
2- Quel devrait être son impact sur le plan de relance économique ?
Gagner la bataille contre la COVID-19 sera tributaire de sa disparition ou d’une découverte majeure de vaccin ou de traitement. Nous allons cohabiter avec lui, nos écosystèmes économiques ; sanitaires et sociaux aussi. Aujourd’hui nospertes en vies humaines pour cause du Coronavirus s’élèvent à 193 et représente seulement 0.7% de la moyenne des décès européens et les personnes infectées ne dépassent pas les 3% de la moyenne de ce continent voisin. Il parait donc légitime de quantifier le pour et le contre, le confinement économique c’est 13.7 millions de ménages en mode gelé, 70 millions d’heures de travail perdus chaque jour, un coût économique quotidien de 1 milliard de dirhams chiffre crédible avancé par le Ministère de l’Economie et des Finances du royaume.
Cette crise que personne ne pouvait prédire n’a pas de similarités ni avec la crise de 2008 de nature financière ni avec celle de 1929 causée par l’abandon des entreprises par les banques centrales et non plus avec le désastre de 1945 résultat d’une guerre mondiale qui a détruit les infrastructures, les usines, les machines et désaimé ingénieurs, techniciens et ouvriers. Pour faire simple, avec la COVID-19, tout est debout, les trois marchés de l’économie sont intacts, un marché du capital surliquide, un marché du travail à main d’œuvre excédentaire puis d’ un marché des biens et services fonctionnel, déflaté par les émergents et globalisé. Et la difficulté qui saute aux yeux, c’est qu’il nous manquera à la sortie du confinement intégral, deux autres ingrédients essentiel pour redémarrer les moteurs de l’économie, celui de permettre la rapide résurrection de la confiance et le second de créer toutes les conditions d’une ventilation exponentielle et accélérée des carnets de commandes. La loi de finances rectifiée pourrait avoir cet impact régénérateur si la peur du risque de la dette ne prend pas une part importante sur l’urgence de augmenter la masse monétaire par émission de titres et de sauver toutes les entreprises vulnérables et la plupart des emplois en sursis par des prêts publics à taux zéro financés et garantis par l’Etat. La fourniture de liquidité aura pour principal objet de préserver les écosystèmes et de résorber les effets de la crise pour ne pas les rendre structurels et de saper les sacrifices et les prouesses des vingt dernières années