Une experte des droits de l’homme de l’ONU appelle à des réformes de l’architecture de la dette internationale, et pour cause: les « trois grandes » agences de notation de crédit ont une influence excessive sur les décisions de prêt, les conditions de la dette souveraine et les taux d’intérêt.
Selon Yuefen Li, Experte indépendante de l’ONU sur la dette et des droits de l’homme « Les agences de notation ont une énorme influence sur les attentes du marché et les décisions de prêt des investisseurs publics et privés ».
C’est dans un rapport au Conseil des droits de l’homme que l’experte indique que les précédentes crises financières et de la dette, en particulier la crise des prêts hypothécaires à risque et la crise financière asiatique révélent des problèmes structurels des agences de notation. Pour Yuefen Li, ces agences contribuent à exacerber la crise de la dette au lieu de jouer un rôle de prévention ce qui déclasse les pays en développement.
Le rapport examine ainsi le rôle de ces agences connues comme les « big three », agences de notation de crédit. « Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings contrôlent plus de 92% du marché mondial, ce qui ne permet pas la concurrence loyale », a-t-elle rappelé.
Or ces agences souffrent « de malformations de naissance, notamment de conflits d’intérêts, de manque de responsabilité ou de transparence dans leurs évaluations ». a-t-elle indiqué, relevant que « leur classification est souvent procyclique », ce qui signifie que les évaluations des notations de crédit jouent un rôle disproportionné dans les crises de la dette, comme on l’a vu au cours des dernières décennies.
L’impact négatif des classements inclus la réduction de la marge de manœuvre budgétaire de certains pays, limitant les investissements dans les domaines tels que la protection sociale, l’alimentation, la santé ou l’éducation, ainsi que des mesures pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, selon le rapport de l’experte de l’ONU. « En outre, le fardeau de la dette a entraîné un recul de la protection et de la réalisation des droits humains, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels », a-t-elle insisté.
Dans ces conditions, « l’émission de notations de crédit devrait être suspendue pendant une crise, comme la pandémie mondiale de Covid-19 », a-t-elle indiqué.
En effet, les marchés ont leur propre façon de réduire les risques lorsque les les données de base changent visiblement. En outre, les annonces de classement peuvent rendre difficile la mise en œuvre de mesures spéciales introduites par la communauté internationale pour contenir et résoudre les crises, selon la même source.
« Ne pas suspendre les notations de crédit pendant ce type de situation compromettrait l’efficacité des efforts internationaux », a fait remarquer l’experte onusienne.
L’Experte indépendante a ainsi lancé un appel aux Etats et à la communauté internationale pour réformer l’architecture de la dette internationale, y compris le rôle, les critères, la transparence et la redevabilité des agences de notation de crédit.
« La réforme de l’architecture de la dette internationale, y compris le rôle, les critères et le fonctionnement des agences de notation de crédit, ne peut plus être reportée, en particulier face à une profonde récession et à une crise de la dette imminente en 2021 dans plusieurs pays en développement », a-t-elle conclu.