Mustapha El Haddaoui fait partie de cette génération de footballeurs qui ont fait rêver et enchanter les fans du ballon marocain. Ses dribles, ses passes et ses buts sont restés dans bien des mémoires.
Au Maroc, l’on se souvient encore du sociétaire des Aigles verts qui a côtoyé des grands, dont un certain Dolmy. Mais aussi, et peut-être surtout, le milieu de terrain qui a fait sensation lors de la Coupe du monde 1986.
Né un 28 juillet 1961 à Casablanca, il débutera, officiellement, au RCA où il jouera en 1979. Et ce, après bien des années durant lesquelles il avait tapé du ballon rond dans les rues et les terrains vagues autour de son quartier de naissance du côté de Derb Soltan. Les murs du bloc 59 doivent encore s’en souvenir, dit-il en souriant. Tout comme la borne fontaine qui, au coin de la rue jadis, était un repère temporel pour lui. Lui, qui, quand c’était son tour de ramener l’eau, se réveillait très tôt pour mieux régler sa montre entre ‘jouer’ et ‘étudier’. La même rue dont le ‘coin’ lui servait de ‘site’ des petits commerces auxquels il reccourait pour avoir de quoi se payer ses études. Toute une histoire d’adversités, en somme !
Son parcours footballistique, qui en sera l’un des récits, est jalonné par de multiples expériences qui l’ont conduit de Casablanca au Sultanat d’Oman., en passant par la Suisse et la France. L’ancien international du Maroc a aussi marqué les esprits par d’autres réalisations, notamment en tant qu’encadrant.
Un jeune homme qui a bravé tous les obstacles pour se frayer son chemin, se faire un nom qui pèse lourd dans l’équation du football national et qui n’a pas voulu ranger pour autant ses crampons sans partager ce qu’il a appris tout au long de sa carrière avec ses jeunes concitoyens.
L’ ambition ? « J’ai toujours été ambitieux et j’ai travaillé dur pour pouvoir m’imposer. Mais, j’ai toujours été dans l’état d’esprit du groupe ». On comprend, dès lors, comment et pourquoi, El Haddaoui passait très vite d’une catégorie à une autre sans trop attendre dans les antichambres. Il était plus que conscient de sa capacité de faire la différence et le clamait haut et fort. La démonstration suivait sur le terrain.
Il n’y a ni miracle ni chance, seul l’effort comptait. « La confiance, ça se mérite. Et faire carrière demande des sacrifices ». L3awad (le cheval, son autre surnom), ne revient pas à la ligne. Il sait résumer son regard comme sa conviction.
Arrêt sur séquences
Le milieu de terrain n’est jamais passé inaperçu. Mouss avait un rapport très particulier avec le ballon rond. Qui plus est l’accompagnait jusqu’à dans son sommeil. Pour ceux qui ne le savent pas, Mouss a vécu sa première consécration alors qu’il avait six ans.
En fait, à l’occasion de la fête du Trône, El Haddaoui avait remporté une compétition de jonglage. La télévision était de l’événement. Il sera considéré comme la fierté du quartier lorsqu’on le verra à la télévision ! Il brille très vite, sans se prendre la tête.
Le temps passe…
Plus encore, il jouait presque en jouant. C’était, en fait, une génération qui se faisait plaisir sur le rectangle vert. Les gradins le lui rendaient bien. Au Maroc comme ailleurs, c’était « jubilatoire », dit un connaisseur du football marocain, de le voir jouer. « On aura beau essayer de décortiquer son jeu, on saura seulement que c’était indécortiquable. « Des révélations instantanées », résume un ancien coéquipier.
Ainsi en est-il entre 1979 à la date de son départ pour la Suisse, lorsqu’il déroulait ses talents dans les rangs du Raja de Casablanca.
Viendra l’épopée du Mondial 1986, après les Jeux méditerranéens, qui est restée gravée dans les mémoires non seulement des Marocains, mais aussi sur le continent et dans le monde arabe. D’autant que les Lions de l’Atlas, El Haddaoui parmi eux, étaient le premier team africain et arabe à avoir franchi le cap du premier tour pour passer aux huitièmes des finales. Mustapha s’est distingué, notamment, par ses dribles légendaires et ses passes « millimétrées ».
Ses prestations lui ont valu d’être repéré par les chasseurs de têtes. Déjà qu’il avait commencé sa première expérience en terres helvétiques, précisément sous les couleurs du FC Lausanne. Il y sera de 1985 à 1987, où il était considéré comme la coqueluche du stade. En développant, notamment, son côté rajaoui, fantaisiste, mais percutant.
Toujours attirant de plus en plus l’attention, El Haddaoui sera appelé à défendre, entre 1987 et 1989, les couleurs de l’AS Sainte Etienne. Une expérience courte, mais intense. El Haddaoui avait signé pour quatre saisons, il n’en bouclera qu’une. Une saison durant laquelle il avait démontré qu’il lui fallait d’autres challenges.
Il étalera l’étendue de ses talents. Au point où la presse sportive française le surnommera « Le chef d’orchestre ». Et il l’était. El Haddaoui était un « orientateur » doublé d’un « créateur » de jeu pour ses coéquipiers. Il savait chercher et trouver les ouvertures dans les défenses les plus compactes de l’époque.
C’était un vrai challenge, en fait, de jouer et de se distinguer, avec sa propre touche, parmi les grands noms qui faisaient parler la poudre sur les terrains. El Haddaoui, sûr de ses capacités de faire la différence, a réussi le pari. Tout en disant, haut et fort, qu’il ne cesserait jamais de fournir davantage d’efforts pour être à la hauteur des attentes de ses coaches comme de ses fans qui devenaient de plus en plus nombreux. Au cours de cette même séquence, il jouait sérieux, sans pour autant bouder son plaisir de faire du spectacle.
On l’aurait compris, le pur produit du Raja de Casablanca qu’il était a, magistralement, su négocier le virage qui l’a conduit du joueur amateur, qui parfois amusait la galerie en « omettant » le résultat, au professionnel qui a pu trouver la synthèse « entre le principe de plaisir et le principe de réalité ».
Il retrouvera l’air de la Méditerranée entre 1988 et 1990. El Haddaoui est à Nice dont le président avait pris sur lui-même de convaincre le joueur marocain. El Haddaoui était « chez lui », comme dira la presse il y a à peine quelques mois lorsqu’il est allé parfaire ses connaissances d’un entraineur qui ne cesse de cumuler les formations. Un déplacement lors duquel il a été reçu comme un héros.
Le sac en bandoulière, une façon de parler, il embarquera dans une nouvelle aventure, notamment du côté de RC Lens où il séjournera entre 1990 et 1993, puis Angers de 1993 à 1995.
El Haddaoui, l’International et le coach
Mouss, armé de son savoir-faire et des savoirs qu’il a appris tout au long de ses expériences, a toujours figuré parmi les piliers de l’équipe nationale du Maroc. Et ce, de 1983 jusqu’à 1994. 55 fois appelé en sélection, pour résumer ! Il est aussi le premier joueur marocain à avoir pris part à deux Mondiaux (1986-1994).
Dans la foulée, El Haddaoui, s’inscrivant dans une démarche de partage, a voulu donner de ce qu’il savait. On le retrouvera, entre autres, à la tête de l’équipe nationale des joueurs locaux, durant les sept premiers mois de l’année 2010… Avant de prendre le commandement de l’équipe nationale du Beach Soccer, où il est toujours sur le banc de touche. Il s’est battu, malgré les obstacles et les tentatives de freiner son élan, pour faire du Maroc une puissance sur le continent. Peut-être, pour le moment, sans auréole continentale, mais il n’en demeure pas moins que les Lions de l’Atlas sont au Top 3 parmi les teams africains et 22ème sur le plan international. Et ce n’est pas rien. Surtout quand on prend en compte toutes les difficultés que la discipline rencontre. Notamment, quand on sait, comparativement à d’autres, qu’on ne dispose pas encore d’un championnat en bonne et due forme dans le pays. Sachant, aussi, que ce n’est qu’en 2018-2019 qu’El Haddaoui, par ailleurs conférencier auprès le FIFA, a signé un contrat avec la FRMF !
Bile en tête, il résume : « J’avais un défi, faire monter l’équipe nationale. C’est chose faite ! », dit-il, non sans satisfaction. Et cette année 2021, celui qui avait organisé d’innombrables compétitions au Maroc, doublée de plusieurs initiatives pour développer cette discipline, conduit son contingent en terre sénégalaise pour la compte de la coupe d’Afrique. C’est pour la dernière semaine de ce mois de mai.
Pour El Haddaoui, l’enjeu est de réserver une place au Mondial de la Russie 2021.
Une « fixation », parmi tant d’autres, est toujours la même : gérer les adversités et réussir. Car, ne cesse-t-il de répéter : « Il faut exceller dans tout ce qu’on fait. Ce qui équivaut à un investissement total sans jamais baisser les bras ».
Et El Haddaoui s’investit aussi au service d’autrui.
A la tête de l’UMFP, il milite pour les droits des joueurs professionnels évoluant au Maroc, tout comme il donne de son temps pour les anciennes vedettes. Un tout autre chapitre où on le retrouve aussi sur le terrain de l’action associative. Celle-ci relève, d’ores et déjà de son quotidien.
El Haddaoui, l’humain…
Ceci dit, il ne faut surtout pas oublier un détail de taille dans la vie de Mustapha. Et qui se trouve être au centre de tous les centres: une famille qu’il chérit particulièrement. De ses parents, il a appris l’abnégation, la persévérance et le sens du sacrifice. Une mère-courage en particulier. Une femme indescriptible.
Mais, le pilier ne pourrait être quelqu’un d’autre que son épouse. Amale est plus qu’un ‘Espoir’ (pour traduire son nom). Ils se rencontrent en 1983, ils se marient en 1984. Reconnaissant, Mouss confie qu’il doit beaucoup à son épouse. « Elle a toujours été à mes côtés. Elle m’a soutenu et supporté, durant toutes les étapes de ma vie ». Et puis, ajoute-t-il : » Je ne fais rien sans concertation avec Amale. Et ça marche ! ».
De la complicité à toute épreuve.
Convaincu par ses choix, il garde le cap. Et un œil bienveillant sur ses enfants…