La décision récente de l’Association des Barreaux du Maroc d’initier une grève illimitée a soulevé de profondes interrogations quant aux fondements de cette démarche et à sa prise en compte des intérêts des avocats ainsi que des droits des justiciables. Ce mouvement de protestation, bien que légitime , engendre un impact direct sur les droits de la défense et les intérêts des citoyens en attente de justice, en suspendant les audiences et en mettant en péril les engagements professionnels des avocats envers leurs clients.
Les demandes des avocats sont justes, et personne ne conteste leur légitimité. Cependant, le choix d’une grève sans fin, surtout en l’absence d’un débat interne préalable et démocratique au sein des barreaux, suscite des doutes quant à sa représentativité. L’on se demande alors si cette décision reflète véritablement la volonté de tous les avocats ou si l’Association a bien épuisé les voies de dialogue avant d’opter pour cette escalade.
Les avocats, de par la nature de leur métier, sont généralement attachés aux principes de justice, de dialogue, et de négociation constructive. Une décision aussi radicale que celle d’une grève, surtout quand elle implique une suspension complète des services de défense, devrait reposer sur une logique rationnelle, prenant en compte les responsabilités envers les citoyens. En effet, ce sont principalement les justiciables qui, en tant que partie la plus vulnérable, subissent les conséquences directes de cette décision.
Selon plusieurs avocats, une décision aussi importante aurait dû passer par une consultation ouverte et libre au sein des instances professionnelles. Un débat démocratique aurait permis de recueillir et de respecter les divers points de vue, assurant ainsi que la décision soit basée sur un consensus collectif issu de la libre expression des avocats.
De plus, il est légitime de se demander si l’Association des Barreaux du Maroc a entrepris des efforts concrets pour dialoguer avec les autorités concernées avant d’en arriver à une telle extrémité. La grève illimitée, sans tentative préalable de négociation avec les pouvoirs publics, apparaît comme une démarche manquant de vision à long terme. La défense des droits des avocats ne doit pas se faire au détriment de ceux des justiciables, ni mettre en péril les intérêts de ces derniers.
Dans ce contexte, des questions doivent être posées aux bâtonniers des différents barreaux : ont-t-il pris l’initiative de contacter le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, pour entamer un dialogue autour de ces enjeux cruciaux ? Cette démarche a-t-elle été rejetée, si tant est qu’elle ait été tentée ? Ou bien, cette décision d’arrêter totalement les services de défense est-elle vraiment due à une fin de non-recevoir du gouvernement, comme certains le prétendent, ou est-elle motivée par d’autres considérations ?
En fin de compte, il est impératif que l’Association des Barreaux du Maroc fasse preuve de responsabilité en s’efforçant de trouver un équilibre entre la défense des droits des avocats et la protection des droits des citoyens. Un compromis basé sur un dialogue ouvert reste le moyen le plus efficace de parvenir à une solution durable, qui protège les intérêts de toutes les parties impliquées.