La Galerie La Kasbah  rend hommage à  Benhila Regraguia et FatnaGbouri Une revalorisation de leurs répertoires plastiques

La Galerie La Kasbah  rend hommage à  Benhila Regraguia et FatnaGbouri Une revalorisation de leurs répertoires plastiques

- in accueille, Art

 

 

 

 

Dans le cadre du cycle «Les immortels d’Essaouira», la Galerie la Kasbah abrite actuellement une remémorative des artistes plasticiennes Benhila Regraguia (1940-2009) et FatnaGbouri (1924-2012) pour célébrer leurs parcours créatifs exceptionnels. Selon Kabir Attar, directeur et président fondateur de la Galerie, il s’agit de deux icônes typiques de l’art plastique au Maroc et à l’étranger, qui ont été fidèles à la ville d’Essaouira et ont contribué à son ouverture culturelle aux différentes confluences civilisationnelles. Benhila Regraguia est connue pour sa générosité plastique personnalisée et son esprit collectif, tandis que FatnaGbouri est unique pour sa fréquence constante sur la scène culturelle d’Essaouira avec ses deux fils, le défunt plasticien Ahmed Majidaoui et le plasticien contemporain Abdelhamid Majidaoui. Cette exposition remémorative est une initiative qui se veut un vibrant hommage posthume à leur mémoire et une revalorisation de leursrépertoires plastiques à la fois onirique et éloquents.

 

Une artiste hors du commun

 

Regraguia Benhila, artiste peintre née à Essaouira en 1940, est décédée dans la nuit du lundi 9 novembre 2009, à l’âge de 69 ans, suite à une longue maladie dans son atelier à Douar Lamsasa dans la Commune rurale de Lahrarta à la région d’Essaouira.
Artiste singulière et libre, la défunte a été connue pour son parcours original et ses sensibles contributions sociales et culturelles, en plus de ses actions pour l’esprit du dialogue interculturel.


Sur son parcours artistique, Abdelkader Mana, anthropologue, a confié qu’elle était une «artiste autodidacte et ce n’est que tardivement, en 1988 qu’elle a commencé à produire ses premières esquisses si caractéristiques par leur
univers labyrinthique et tourmenté aux thématiques extravagantes et aux couleurs chatoyantes où s’expriment son imaginaire, sa féminité et sa forte personnalité».
«La peinture de Benhila est d’une générosité exubérante et d’une grande fraîcheur, celle du ciel et de la mer. Elle peint l’aube à la fois étrange et belle lorsque les brouillards de la nuit font danser la lumière du jour. Elle peint le ciel de la fertilité quand le jour enfante la nuit», a-t-il ajouté.

De son côté, Ali Zameharir, président de l’Association «Initiative et développement» souligne que «Regraguia, Figure de prou de la création au féminin, a marqué l’histoire de l’art marocain d’une empreinte profonde grâce à ses œuvres inédites».
Pour sa part, Youssef Boussen, acteur culturel et associatif, a révélé que «Regraguia a légué un immense travail, bien recherché et très créatif. Elle est parmi les grandes figures de la peinture marocaine. Son œuvre est partie intégrante du patrimoine national non seulement dans le domaine de la peinture, des arts plastiques mais du point de vue de notre culture visuelle en général».
« Une femme née comme moi à Essaouira en 1940, dans une famille où le père était pêcheur, n’avait d’autre choix que de passer sa vie à laver des peaux de moutons dans les vagues de l’Atlantique, même durant la saison des vents. Je partais le matin tôt avec ma mère Mbraka et ma grand-mère Tahra vers l’océan. Une fois les peaux nettoyées et séchées, on enlevait la laine et on la filait. Après, on la vendait à celles qui tissaient djellabas ou tapis. De temps en temps, je tissais un tapis, mais juste pour les besoins de la famille. Un tapis prend un temps fou et le prix qu’on t’offre est toujours ridicule. Je gagnais mieux en me limitant à traiter les peaux et à filer la laine. »
Accompagnée de sa mère et de sa grand-mère, Regraguia passait chaque soir, sur le chemin du retour d’une journée de travail à la mer, devant les galeries qui jalonnaient les ruelles de la ville.  » J’étais fascinée par les galeries, mais ce n’est qu’en 1986, à qua – rante-six ans que j’ai eu le courage d’y entrer. Et pourtant je rêvais sans cesse de prendre le pinceau » .

« Ma soeurFatema, j’avais peur de rentrer dans une galerie de peinture. Seules les femmes riches habillées à l’européenne en franchissaient le seuil« , me confia-t-elle, le deuxième jour où elle m’invita dans son studio. « Mais j’avais décidé toute petite, de faire la guerre à alihbat (la frustration, le défaitisme). Al-ihbat est un cancer. Il faut qu’on nous enseigne à la télévision comment le combattre. Si j’avais des diplômes, j’aurais essayé de créer un vaccin contre al-ihbat » , conclut-elle en ouvrant une grosse boîte en plastique d’où elle tira son press-book et ses photos avec les célébrités qui avaient défilé chez elle. Elle voulait étaler devant moi les preuves de sa réussite, avant de continuer à se souvenir d’un passé aussi chaotique qu’imprévisible.
Selon Regraguia – qui connaît par coeur tout le répertoire des aïta , ces chansons traditionnelles du Maroc atlantique, qui célèbrent la jouissance comme devoir sacré – l’important, c’est que vous restiez rivés à votre quête du bonheur, même lorsque le malheur frappe. C’est la direction de votre regard qui influe sur la destination de la barque, aussi déchaînées soient les vagues et les tempêtes qui la chahutent. Regraguia a cette volonté forcenée du bonheur des générations d’avant le vaccin, la pénicilline, l’aspirine et la télévision. Les générations des damnés de la terre, programmés à ne compter que sur leur énergie intérieure, pour générer la lumière qui éclabousse les ténèbres.

 

Les mains frêles de FatnaGbouri

 

FatnaGbouri est née à TnineGharbia, un petit village de la province de Safi, en 1924. Comme toutes les femmes de sa campagne, elle travaillait la terre et tissait des tapis. C’est en 1984 qu’elle commence à peindre, encouragée par son fils, Ahmed Mjidaoui, lui-même artiste peintre. Depuis lors, elle a participé à de nombreuses expositions individuelles et collectives, dans différentes villes du Royaume ainsi qu’à l’étranger. Adepte de l’art populaire et élevée dans un milieu porté sur la peinture, elle se met spontanément à faire chanter le pinceau dans un registre naïf. C’est ainsi qu’elle a pu forger un style non convenu, en mettant en scène des séquences narratives peuplées de personnages hauts en couleur. Elle est parmi les porteuses au grand cœur d’un art singulier qui a permis à la peinture contemporaine marocaine de franchir allègrement les frontières. FatnaGbouri, qui a déjà exposé à Tanger, Safi, Casablanca, en France, en Allemagne, au Portugal, aux Émirats arabes unis, met à notre disposition un patrimoine artistique d’une grande valeur, qui force le respect et l’admiration.

Les mains frêles de FatnaGbouri ne toucheront plus le pinceau et ne déposeront plus sur les tableaux les motifs qui en ont toujours fait des œuvres d’une rare beauté. La grande dame a tiré sa révérence vendredi 27 janvier à l’âge de 88 ans, laissant derrière elle un legs fait d’œuvres, réalistes et poétiques, qui font aujourd’hui partie du patrimoine culturel marocain. Grande figure de l’art naïf au Maroc, mais aussi à l’étranger, Fatna n’a pas connu la reconnaissance qu’elle méritait réellement. Son talent et sa créativité, qui n’avaient d’égal que son attachement à ses racines, la prédestinaient à une carrière similaire à celle d’une Chaïbia mondialement connue. Néanmoins, notre artiste travaillait en toute discrétion et évoluait doucement sans trop de bruit. Polyvalente, dame Gbouri touchait à plusieurs genres. Tapisserie, céramique et peinture n’avaient pas de secret pour elle.

lle éclaboussait ses tableaux de couleurs criardes, de signes et de motifs inspirés des scènes de la vie traditionnelle au Maroc. Tel un enfant, elle peuplait l’espace de la toile de dessins tout en fraîcheur et en gaîté. N’ayant jamais été initiée aux principes les plus élémentaires des arts plastiques, Fatna puisait au fin fond de sa mémoire les images et paysages qu’elle couchait, non sans génie, sur ses tableaux. Obéissant à sa seule fantaisie, elle se laissait guider par la pulsion du moment pour exorciser les démons qui l’habitent. Eh oui, la peinture était érigée par FatnaGbouri en véritable thérapie.
N’est-ce pas grâce à cet art qu’elle a réussi à sortir de sa mélancolie après le décès de son mari ? Quoique s’y mettant tardivement, soit en 1984, à l’âge de 59 ans, l’artiste a su rattraper le temps perdu en produisant des œuvres d’une rare beauté. Le mérite de cette «conversion» revient en fait à son fils, Ahmed Mjidaoui, lui-même professeur d’arts plastiques et artiste peintre, qui l’a encouragée à donner libre cours à la vocation qu’il a décelée en elle.

«Après le décès de mon père, elle était triste et solitaire. Quand je l’ai vue comme ça, je lui ai donné un plâtre, un pinceau et des gouaches et lui ai demandé de dessiner quelque chose. Elle a représenté une femme tissant un tapis. C’est une œuvre de toute beauté que je garde précieusement», confie Ahmed.
Dès les premières œuvres, le talent de l’artiste s’est révélé. Le verdict était sans appel : FatnaGbouri est incontestablement une peintre née. Au fil des années, la réputation de cette native de TnineGharbia (province de Safi) prend de l’ampleur. Sa virtuosité lui vaut ainsi le surnom de «la mémoire de Safi». Ses tableaux sont à son image : simples, authentiques et spontanés. Aujourd’hui, le paysage culturel est en deuil. Avec la disparition de cette grande artiste, une page de l’histoire picturale du Maroc est tournée. Tournée, mais pas du tout oubliée.

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