Des prophéties d’Abdessalam Yassine et de la Révolte de l’Prince Kamoun… au Grand Bateau de Noé

Des prophéties d’Abdessalam Yassine et de la Révolte de l’Prince Kamoun… au Grand Bateau de Noé

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Ce matin, alors que je feuilletais des phrases empreintes d’émotion et de propagande, mon regard s’est arrêté sur un post d’un individu se faisant passer pour un « journaliste », qui avertissait le peuple et l’État d’un déluge imminent. L’homme a déployé un vocabulaire de menace et de proclamation de désastre, annonçant avec un ton de vainqueur avant la bataille que le moment de la chute était proche et qu’il n’y avait d’échappatoire que dans son esquif. Il n’y avait rien de nouveau dans tout cela. Tout était consommé : le ton, l’image, la métaphore, même la date de la calamité semblait recyclée.

J’ai immédiatement pensé que cette « prophétie numérique » n’était qu’une pâle copie de messages antérieurs en termes de formulation, d’intention et de prétention. Le premier à évoquer le déluge, de manière concrète, fut Abdel السلام ياسين dans sa célèbre lettre au défunt Hassan II en 1974. Ce jour-là, il se présenta comme le premier à avoir lu les signes de l’heure politique et à avoir soumis le royaume à une équation explosif : « L’islam ou le déluge ». La menace n’était pas voilée. Elle était directe, explicite, réduisant l’État à une embarcation sur le point de sombrer si son commandement n’était pas confié à la communauté. De là, le concept de « qouma » est né, comme projet de salut global, n’acceptant ni compromis ni gradualité, mais se contentant de définir le « moment de la résurrection » et sa date.

Des années plus tard, à l’aube du nouveau règne, l’homme revint avec un second message, plus doux en forme, mais s’accrochant à l’essence même de cet avertissement. Il écrivit au roi Mohammed VI sous le titre : « Note à qui de droit ». Le texte, bien qu’apparenté à un dialogue avec le pouvoir, n’était rien d’autre qu’une réitération d’une seule idée : l’État ne se réforme pas, il se remet volontairement à ceux de « la méthode ».

En revanche, il existait ceux qui s’exprimaient au nom de l’élite, avec un discours imprégné de culture politique internationale. L’ príncipe Hicham Ben Abdullah Alaouite a écrit son article « Le Maroc autre » en 2013, dans la revue Pouvoirs, pour narrer, du sommet de son statut privilégié, la « Révolution du calme ». Une révolution tranquille, sans sang, sans slogans rouges, sans déluge, mais aboutissant au même résultat : le démantèlement de la structure profonde de la monarchie et la transformation du trône en symbole culturel, dépouillé de sa fonction exécutive et de sa légitimité spirituelle.

Dans une remarquable ironie, Yacine donna à la « qouma » une date supposée, tandis que le prince Hicham plaça la « Révolution du calme » dans un futur reporté. Le premier la rattacha à une année correspondant à la volonté divine, et le second l’appliqua aux conséquences du printemps arabe, comme si la monarchie n’était qu’un maillon dans une chaîne de systèmes attendant son tour de s’effondrer.

À première vue, rien ne relie ces trois figures : guide de mouvement, prince opposant et prétendu journaliste. Pourtant, ils se rejoignent, sans le savoir, à une source unique : le désir de défaire la monarchie, chacun à sa manière, avec ses techniques, et son imaginaire.

Yacine prévenait au nom de la religion, Hicham critiquait au nom de la raison civique, et le prétendu journaliste hurlait au nom du peuple que personne n’a mandaté. Et le résultat est le même : un discours basé sur une profonde mécompréhension de la nature de ce pays, de sa culture politique et de son concept de légitimité.

Dans un moment de vanité, Yacine s’est imaginé avoir écrit pour l’histoire la date de la « qouma », puis il est mort sans qu’elle n’arrive. Hicham a cru esquisser l’horizon de la « Révolution du calme », mais le projet s’est étouffé dans les limites de la métaphore. Aujourd’hui, vient celui qui brandit le déluge, comme si les gens avaient oublié que le Maroc n’a jamais été, en réalité, une terre fertile pour une sortie collective de l’État, mais un foyer de conflits résolus à l’intérieur de son cadre, non contre lui.

En vérité, le Maroc n’attend ni déluge, ni calme, ni qouma. Le Maroc fonctionnne à sa manière, lentement peut-être, mais avec détermination. Il ne croit ni aux révolutions préemballées, ni aux messages prophétiques politiques, ni aux manifestes illustrés. Il sait quand corriger, quand se taire et quand annoncer sa transition sans avoir besoin d’un théoricien ou d’un prophète.

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