Lors d’une allocution filmée pendant le neuvième congrès national du Parti de la justice et du développement (PJD) marocain, Mustafa Barghouti, président de l’Initiative nationale palestinienne, a adressé un message qui a suscité un large débat en franchissant les limites de la solidarité avec la cause palestinienne pour intervenir directement dans les décisions de la politique étrangère du Maroc.
Barghouti, l’une des figures palestiniennes les plus en vue soutenant la résistance à l’occupation israélienne, a exigé clairement du Maroc l’annulation de toutes les formes de normalisation avec Israël. Il a souligné que l’occupation utilise la normalisation comme un moyen d’étouffer la cause palestinienne, faisant fi de la spécificité de la décision souveraine marocaine, qui repose sur un équilibre délicat entre le soutien à la cause palestinienne et la préservation de ses intérêts stratégiques.
Tout en exprimant son appréciation pour les manifestations populaires marocaines en faveur de la Palestine, qui ont duré près de 19 mois, Barghouti a ensuite formulé des exigences politiques directes, parlant de l’impératif d’annuler la normalisation, comme si le parcours des relations internationales du Maroc était soumis à des considérations extérieures ou à des pressions partisanes. Ce discours a ombragé la nature de la rencontre, transformant une occasion de solidarité en une plateforme de remise en question politique.
Le responsable palestinien a mis en lumière ce qu’il a qualifié de plus grande opération de judaïsation subissant le site de la mosquée Al-Aqsa, en évoquant le drame de Gaza suite à la dernière guerre, mentionnant que le territoire a été bombardé avec plus de 120 000 tonnes d’explosifs. Il a également abordé la souffrance des prisonniers palestiniens dans les prisons de l’occupation, tout en saluant ce qu’il a décrit comme la résilience de Gaza malgré le siège et les bombardements incessants.
Malgré l’importance des questions soulevées, le choix de Barghouti de lier la souffrance des Palestiniens à la position du Maroc sur la normalisation soulève des questions profondes sur les limites de la solidarité et l’éthique du discours politique envers les États soutenants. Le Maroc, qui insiste constamment sur son soutien à la solution à deux États et aux droits du peuple palestinien, n’a pas laissé son engagement dans des accords diplomatiques avec Israël altérer ses positions fondamentales dans les forums internationaux, un fait que Barghouti a manifestement ignoré.
Le discours de Barghouti, empreint d’un ton d’imposition, a provoqué des critiques au sein des milieux marocains, qui y ont vu une atteinte à la souveraineté nationale et une incitation injustifiée à des choix politiques ne remettant pas en cause l’engagement historique du Maroc à soutenir les droits palestiniens. La question posée par nombre de personnes après son intervention était de savoir si certains leaders des factions palestiniennes réalisent que mêler la solidarité à des ingérences dans les affaires intérieures peut conduire à des résultats contraires, diminuant l’empathie populaire et ne servant pas la cause palestinienne.
La participation de Barghouti par le biais du Parti de la justice et du développement, qui connaît un déclin politique interne après avoir perdu sa position de leader dans le paysage marocain, a également suscité un débat sur l’utilisation de grandes causes nationales, telles que la cause palestinienne, comme moyen de récupérer un capital politique perdu.