Najiba Jalal au stand du ministère de la Justice : la presse doit choisir entre l’excitation et la responsabilité.

Najiba Jalal au stand du ministère de la Justice : la presse doit choisir entre l’excitation et la responsabilité.

- in Société
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Lors de la 22e édition du Salon international de l’édition et du livre, dans le pavillon du ministère de la Justice, la journaliste Najiba Jalal, directrice de la publication du journal « Ékspres Tivi », a suscité un débat intense sur le rôle des médias dans la formation de la conscience juridique et des droits. Elle a parlé de manière directe, évitant les généralisations, pour mettre en lumière les points névralgiques de la crise actuelle que traverse les médias, évoquant des exemples historiques qui montrent comment le journalisme a parfois évolué d’un contre-pouvoir à un outil de chantage et de diffamation.

Najiba a commencé par le cas “Bouvalon” qui avait secoué la presse française au XIXe siècle, où un duel entre journalistes s’était transformé en procès symbolique pour l’ensemble de la profession. À l’époque, les journaux avaient été accusés d’inciter les lecteurs à la violence à travers des récits sensationnalistes, franchissant les limites de l’éthique et du professionnalisme. Elle a également rappelé l’article d’Émile Zola en 1879, où il défendait la comédienne Sarah Bernhardt contre une campagne de diffamation orchestrée par « Le Figaro », considérant que la presse s’était transformée en « marché du vacarme » et « outil de destruction de la dignité ».

Najiba Jalal a associé ces épisodes historiques à la situation actuelle des médias marocains, affirmant que la crise actuelle n’est pas une exception, mais la continuité de luttes similaires vécues par la presse mondiale. Cependant, elle a insisté sur le fait que cela ne signifie pas l’effondrement de la profession, mais plutôt un besoin urgent pour la presse de se réévaluer sur les plans légal et éthique afin de retrouver son rôle en tant que levier de conscience et porteur d’une responsabilité sociale.

Lors de son intervention, Najiba a posé des questions directes sur le rôle des médias aujourd’hui : quel impact ont-ils sur la diffusion d’une conscience juridique et de droits ? Elle a répondu que le journaliste n’est ni avocat, ni juge, ni inspecteur de police, mais l’œil qui surveille, la conscience qui traduit des questions complexes dans un langage accessible. Ce rôle exige une formation approfondie, une prise de conscience que la parole est une responsabilité, l’information un pouvoir, et que les nouvelles peuvent faire la différence entre justice et injustice.

Elle a également critiqué ce qu’elle a décrit comme un désordre médiatique dans des affaires touchant à l’honneur et à la dignité des individus, où la loi se confond avec l’interprétation, l’information avec rumeur, l’enquête avec diffamation. Elle a évoqué des cas où il y a eu confusion entre harcèlement sexuel et relations consenties, considérant que certains médias ont contribué à ancrer des concepts erronés portant atteinte à l’essence des lois marocaines. Elle a mis en garde contre la transformation du journaliste en outil de destruction des concepts de droits, au lieu d’être son défenseur.

Elle a également soulevé les risques liés à la montée des médias numériques, où les hashtags se transforment en tribunaux populaires rendant des jugements sans preuve. Cependant, elle a reconnu que ces mêmes outils numériques avaient parfois été de puissants vecteurs pour dénoncer des violations et briser le silence, comme cela a été le cas lors des campagnes #MeToo et #JusticePourAdil.

Najiba Jalal n’a pas hésité à critiquer ouvertement certaines pratiques journalistiques qu’elle a qualifiées de nuisibles, que ce soit par la publication d’images et de données personnelles, la transformation en porte-voix des émotions des foules, ou même l’implication, que ce soit intentionnelle ou par ignorance, dans des campagnes manquant de professionnalisme et servant des agendas contraires aux intérêts nationaux.

En conclusion de son intervention, elle a appelé à établir des médias respectueux de la loi, engagés envers la responsabilité et au service de la vérité, et non des tendances. Elle a estimé que la presse doit aujourd’hui protéger la société contre le crime, au lieu de le justifier, travailler avec la raison et non avec l’émotionnel, et placer la dignité des personnes au-dessus des taux d’audience.

Elle a souligné que la protection de la sécurité juridique et des droits des individus commence par une formation rigoureuse des journalistes, et que reconnaître une erreur dans les médias ne se corrige pas par des excuses, car là où l’erreur d’un médecin peut tuer un corps, l’erreur d’un journaliste peut anéantir une communauté entière.

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