Le directeur général du Festival du livre de Paris, Pierre-Yves Bérenguier, a évoqué dans un entretien accordé à l’agence Maghreb Arabe Presse les raisons pour lesquelles le Maroc a été choisi comme invité d’honneur de la édition 2025 de cet événement littéraire, qualifié de « rendez-vous littéraire le plus important de l’année » dans la capitale française, qui se tient du 11 au 13 avril au Grand Palais.
Bérenguier a précisé que ce choix s’inscrit dans un « hommage à la richesse et à la diversité de la production littéraire marocaine », et souligne le rôle du royaume en tant que « acteur principal » dans le secteur de l’édition en Afrique, en plus d’être « une célébration des liens culturels et historiques qui unissent la France et le Maroc, dans le cadre d’une histoire commune et d’un dialogue constant à travers les rives de la Méditerranée et de l’Atlantique ».
1 – Le Festival du livre de Paris rend hommage cette année au Maroc. Comment expliquez-vous ce choix ?
Le choix du Maroc comme invité d’honneur de cette édition reflète une reconnaissance de la richesse et de la diversité de sa production littéraire. La littérature marocaine fleurit aujourd’hui en français, en arabe et en amazigh, et commence également à s’exprimer en anglais et en espagnol, ce qui lui permet de briller au-delà des frontières nationales.
Après avoir longtemps dépendu des réseaux d’édition européens et orientaux, le Maroc s’impose désormais comme un acteur principal dans le domaine de l’édition en Afrique et aspire clairement à devenir un centre névralgique de l’édition au niveau du continent.
Le festival célèbre également les liens culturels et historiques qui unissent la France et le Maroc, deux pays liés par une histoire commune et un dialogue culturel continu à travers la Méditerranée et l’Atlantique.
2 – Cette distinction se manifeste par un programme spécial intitulé « Lettres du Maroc ». Que pouvez-vous nous en dire ?
Le programme dédié au pavillon marocain a été conçu pour plonger véritablement dans la diversité des scènes littéraire et artistique marocaines.
Cette édition se distingue par une participation marocaine exceptionnelle : 36 maisons d’édition et 34 auteurs signant leurs œuvres, réunissant des noms confirmés et de nouvelles voix, dans un programme riche qui propose 46 événements mettant en lumière la diversité de la production littéraire marocaine.
Parmi les auteurs participants : Leïla Slimani, Tahar Ben Jelloun, Kawthar Harchi, Rime Batal, Mariem Jabour, Asma El Marabet, Idriss Jidan, Kabir Mustapha Ammi, et Qays Ben Yahya. Cette édition constitue une véritable vitrine de la dynamique culturelle marocaine et reflète la présence croissante des auteurs et de l’industrie de l’édition marocains sur la scène littéraire internationale.
Le programme est dense et comprend 28 rencontres dans l’espace des conférences, 16 tables rondes sur des sujets littéraires et sociaux, 10 présentations de livres, et deux performances artistiques (art de la parole et théâtre), ainsi qu’une table ronde internationale sur « Le destin atlantique entre la France et le Maroc », et un documentaire intitulé « Le caftan marocain : voyage à travers les doigts des artisans ».
Des activités destinées aux enfants sont également au programme, incluant 15 ateliers (sur la création textile, le zellige, et les tests culturels), en plus d’un spectacle musical et narratif intitulé « Le voyage de Pois Chiche ».
Les événements incluent également trois rencontres homenages à des figures de la littérature marocaine : Idriss Chraïbi, Edmond Imran Alaïch, et Mohamed Khair Eddine.
La présence des femmes marocaines dans le domaine littéraire est également mise en lumière à travers des rencontres avec des écrivaines renommées.
3 – Quelle est votre évaluation du design du pavillon marocain, notamment en rapport avec le thème de cette édition : la mer ?
Le pavillon marocain a été conçu pour être un espace d’exploration et de dialogue, à l’image même du Maroc, en tant que carrefour entre traditions et modernité. Le pavillon s’étend sur une superficie de 330 mètres carrés et comprend cinq zones interactives : l’espace de l’histoire maritime : un voyage dans le passé maritime du Maroc à travers des cartes anciennes et des récits de voyageurs, l’espace « Dialogue » : un lieu de rencontre entre éditeurs, auteurs et public, l’espace de dédicaces : des rencontres et séances de dédicace avec des auteurs marocains, l’espace enfant : récits et ateliers interactifs pour éveiller l’amour de la lecture chez les jeunes, et l’espace des maisons d’édition et de la bibliothèque : une vitrine de la diversité du paysage éditorial marocain.
Le thème de la « mer » fait écho de manière étroite à l’histoire marocaine, en tant que pays ouvert sur la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, où les échanges maritimes ont toujours fait partie intégrante de son identité culturelle et littéraire.
4 – Quelle est votre évaluation de la vitalité du paysage littéraire au Maroc ?
Le paysage littéraire marocain est aujourd’hui plus dynamique que jamais. Il se renouvelle sans cesse, grâce à l’interaction entre les écrivains confirmés et les nouvelles voix.
Ce paysage comprend des figures marquantes telles que Leïla Slimani, lauréate du prix Goncourt en 2016 et ambassadrice de la littérature marocaine à l’international, Tahar Ben Jelloun, l’un des auteurs marocains les plus traduits dans le monde, ainsi que Kawthar Harchi, sociologue et romancière engagée sur les questions d’identité, et Rime Batal, poétesse et artiste aux multiples talents.
C’est un moment charnière dans l’évolution du secteur de l’édition marocain, qui s’efforce de se libérer et d’affirmer sa place sur les scènes africaine et internationale, avec une diversité qui englobe le récit autobiographique, les explorations historiques, les essais intellectuels, et la poésie contemporaine.
5 – Quelle est votre opinion sur la contribution de la diaspora marocaine à cette dynamique, et son rôle en tant que pont culturel qui participe à renforcer la compréhension entre le Maroc et la France ?
La diaspora marocaine joue un rôle central dans la diffusion de la littérature marocaine à l’international.
Les auteurs issus de la diaspora constituent un véritable pont entre les cultures, abordant dans leurs œuvres des thématiques telles que l’exil, la mémoire, l’identité et la diversité culturelle. Grâce à leur double appartenance, ils parviennent à rendre la culture marocaine plus accessible à un public plus large.
Parmi ces auteurs qui portent haut la voix du Maroc figurent Leïla Slimani, qui soulève des questions sur les libertés individuelles et leurs liens avec les origines, Tahar Ben Jelloun, qui traite dans ses écrits des problématiques d’héritage et de liens intergénérationnels, et Asma El Marabet, qui interroge le féminisme et la spiritualité dans le contexte islamique.
Grâce à cette diaspora littéraire active, la littérature marocaine continue de se propager et d’enrichir le dialogue culturel renouvelé entre la France et le Maroc.