Dans le bruissement élégant de la 78ème édition du Festival de Cannes, une voix marocaine s’est élevée, dense et viscérale, pour raconter les silences enfouis et les gestes oubliés d’une ville minière. L’mina, court métrage puissant et incarné signé par l’artiste et réalisatrice Randa Maroufi, s’est vu décerner le Prix Découverte Leitz Cine, distinction phare de la Semaine de la Critique, saluant l’audace formelle et la profondeur humaine d’un cinéma qui ne triche pas.
Un théâtre de poussière et de mémoire
Dans L’mina, Randa Maroufi nous emporte dans les entrailles de Jerada, ville fantôme où le charbon continue d’être extrait clandestinement, malgré l’arrêt officiel de l’activité minière en 2001. Plus qu’un documentaire, plus qu’une fiction, le film est un rituel visuel — une archéologie du présent — qui redonne chair à ceux que l’histoire institutionnelle a gommés. Maroufi y orchestre un dispositif cinématographique saisissant : les habitants eux-mêmes rejouent leur labeur quotidien dans un décor qu’ils ont co-construit, brouillant les lignes entre reconstitution, témoignage et geste artistique.
Randa Maroufi, l’artiste du réel suspendu
Connue pour ses œuvres aux marges du visible — où la photographie, la vidéo et l’installation dialoguent — Maroufi cisèle des fragments de réel comme d’autres tailleraient une sculpture. Elle n’illustre pas le monde : elle l’interroge, le déconstruit, le remet en jeu. Avec L’mina, elle poursuit ce compagnonnage avec les territoires en souffrance et les identités fragmentées, construisant une éthique du regard rare, qui préfère l’écoute à l’appropriation, le trouble à la certitude.
Une consécration internationale pour un cinéma de vérité
Attribué par un jury de professionnels aguerris, le Prix Découverte Leitz Cine, soutenu par Ernst Leitz Wetzlar et Leica Camera AG, consacre chaque année l’éclat singulier d’un court métrage parmi la sélection de la Semaine de la Critique. En récompensant L’mina, c’est tout un pan du cinéma maghrébin contemporain qui se voit honoré — celui qui creuse, gratte, questionne, et refuse les clichés folkloriques pour leur préférer la complexité du vécu.
Un moment d’élévation pour le pavillon marocain
À l’ombre des flashs et dans la ferveur feutrée du pavillon marocain, une réception vibrante s’est tenue pour célébrer cette victoire. Coproducteurs, critiques, diplomates culturels et artistes se sont réunis pour saluer le parcours de Randa Maroufi, et à travers elle, l’affirmation d’un cinéma marocain audacieux, transdisciplinaire, résolument contemporain. Un cinéma qui ne cède ni aux sirènes du marché ni aux logiques de séduction, mais qui avance, libre, en contre-champ du monde.