Europe et Afrique : « Un partenariat complexe entre intégration et dépendance »

Europe et Afrique : « Un partenariat complexe entre intégration et dépendance »

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La capitale belge Bruxelles a accueilli la semaine dernière la troisième réunion ministérielle des ministres des Affaires étrangères des unions européenne et africaine, pour discuter de leur partenariat et des moyens de le renforcer, en dépit des plaintes continues concernant le manque d’égalité des opportunités entre les deux continents, et la persistance d’une situation de dépendance et de conflit ethnique.

Les deux parties ont abordé, selon un communiqué commun, les progrès réalisés dans leur partenariat ainsi que plusieurs sujets, tels que la sécurité et la coopération économique.

Les investissements de l’Union européenne en Afrique ont atteint environ 257 milliards d’euros en 2023, faisant de l’UE le premier investisseur sur le continent, en plus d’être son premier partenaire commercial.

Le chercheur marocain spécialisé dans les affaires africaines, Zakaria Aknouch, a déclaré à l’agence Anadolu que, malgré la fin de la période coloniale, le continent "vit toujours dans un état de dépendance vis-à-vis des pays européens".

Tout en soulignant que l’Afrique est "riche en ressources naturelles mais pauvre sur le plan du développement", Aknouch a accusé certains pays européens de "nourrir les conflits ethniques sur le continent, exacerbant ainsi ses problèmes économiques et de développement".

Il a appelé les dirigeants africains à "diversifier leurs partenaires afin de préserver les intérêts de leurs pays dans le contexte de la lutte des grandes puissances pour l’Afrique, notamment la Chine".

Nouveaux horizons

La troisième réunion ministérielle des deux unions vise à préparer un sommet de haut niveau réunissant les chefs d’État et de gouvernement, dont la date est à fixer ultérieurement.

Les deux parties se sont concentrées, selon le communiqué, sur des questions de sécurité, d’économie et de développement, comme les tensions au Soudan et en République démocratique du Congo, ainsi que sur les efforts de paix et de stabilité dans la région du Sahel, dont trois pays (Mali, Burkina Faso et Niger) n’étaient pas présents à cette réunion.

Le communiqué a souligné la nécessité de renforcer la coopération politique et sécuritaire entre les deux parties face aux défis communs.

Aknouch a indiqué que "cette réunion intervient dans le contexte de la poursuite de l’édification du partenariat stratégique entre les deux continents, à travers une revue et une évaluation des résultats de la sixième réunion conjointe de Bruxelles en février 2022".

Il a mentionné que ce sommet avait établi un certain nombre d’engagements politiques et de développement visant à consolider les liens de coopération bilatérale dans les domaines de la paix, de la sécurité, du développement durable, de l’intégration économique et des échanges culturels.

Il a ajouté que la troisième réunion ministérielle des deux unions la semaine dernière "a connu des discussions approfondies sur les moyens de renforcer la coordination commune et d’envisager de nouveaux horizons pour une coopération stratégique multidimensionnelle, en préparation de la septième rencontre entre les deux parties, dans un contexte marqué par des défis et des transformations rapides sur les scènes africaine et internationale".

Questions de sécurité

La réunion récente entre les deux unions a mis l’accent sur les questions de sécurité, en raison de la persistance des tensions dans plusieurs pays comme le Soudan et ceux du Sahel africain.

Le Soudan endure depuis le mois d’avril 2023 une guerre entre l’armée et les forces de soutien rapide, ayant entraîné plus de 20 000 morts et près de 15 millions de déplacés et de réfugiés, selon les Nations unies et les autorités locales, tandis qu’une recherche des universités américaines estime le nombre de morts à environ 130 000.

Le problème de la sécurité au Sahel demeure préoccupant pour les pays de la région et les responsables de l’ONU, puisque le nombre de victimes du terrorisme dans cette zone est considéré comme le "plus élevé" au monde au cours des trois dernières années.

Le Centre africain de lutte contre le terrorisme a enregistré plus de 3 200 attaques terroristes, faisant 8 400 victimes civiles dans les pays du continent entre janvier et septembre 2024.

Aknouch a précisé que l’Afrique, riche en ressources naturelles et en matières premières, "assiste à une lutte pour l’influence entre les grandes puissances, notamment la Chine, devenant ainsi le théâtre d’ambitions internationales. C’est pourquoi l’Union européenne souhaite établir un partenariat innovant qui respecte les pays africains".

Il a noté que la guerre russo-ukrainienne a "imposé sa réalité à la réunion européenne-africaine la semaine dernière".

Il a estimé que "l’instabilité du continent est alimentée par des acteurs chinois et russes dont les méthodes et les objectifs diffèrent grandement de ceux de l’Union européenne".

Depuis le 24 février 2022, la Russie mène une offensive militaire contre son voisin l’Ukraine, exigeant son retrait des organisations militaires occidentales pour mettre fin à cette attaque, une condition que Kiev considère comme une "ingérence" dans ses affaires.

Questions économiques

Le renforcement de la coopération économique entre les deux continents a constitué un axe majeur de l’ordre du jour de la réunion récente, notamment à travers les investissements européens dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures, ainsi que par les demandes des ministres africains de rééquilibrer les relations économiques avec l’Europe.

La haute représentante des affaires étrangères et de la politique de sécurité de l’Union européenne, Kaja Kallas, a déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion que l’Union reste le partenaire coopératif le plus proche de l’Afrique.

Elle a annoncé un engagement d’investissements d’environ 150 milliards d’euros dans le cadre de la stratégie "Global Gateway" de l’UE pour renforcer les infrastructures, les communications numériques et les transformations écologiques à travers tout le continent.

Les deux unions, européenne et africaine, ont signé en mars dernier un accord de financement d’une valeur de 20 millions d’euros, afin de mettre en œuvre des projets de développement en Afrique, tels que la numérisation, les communications, l’énergie et le soutien à la croissance économique.

Commentant les évolutions du partenariat entre les deux parties, Aknouch a qualifié la relation entre les unions de "complexe, englobant des aspects à la fois positifs et négatifs".

Il a ajouté : "Bien qu’il existe des éléments d’intégration, comme les partenariats commerciaux et la coopération dans divers domaines, il y a aussi des aspects de dépendance en raison des différences de capacités et de l’appui aux aides".

Équilibre des intérêts

Aknouch a considéré que la relation entre les continents africain et européen repose sur un mélange d’intégration et de dépendance, nécessitant un équilibre entre les intérêts des deux parties.

Il a souligné que les pays africains sont "parmi les plus riches en ressources naturelles comme le pétrole et le gaz, mais demeurent les plus pauvres en termes de développement".

Il a poursuivi : "L’Afrique, bien qu’elle se soit délestée du colonialisme, continue de vivre dans un état de dépendance vis-à-vis des pays européens qui entretiennent les conflits, les rivalités ethniques et religieuses, ainsi que les guerres civiles et tribales, et attisent les tensions concernant la terre, l’eau et les ressources naturelles à travers le continent".

Il a précisé que cette intervention "transforme le continent en une zone enflammée en raison de l’instabilité, ce qui aggrave ses problèmes économiques et de développement".

Selon le chercheur marocain, "parmi les 53 pays africains, 23 d’entre eux figurent parmi les pays les plus pauvres au monde, selon les rapports internationaux sur le développement".

Il a appelé les pays africains à "adopter la démocratie pour s’éloigner de la tutelle européenne".

Aknouch a conclu en affirmant la nécessité pour les pays africains de diversifier leurs partenaires commerciaux au lieu de dépendre principalement de l’Union européenne.

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