Des images diffusées en direct par la télévision turque montrent que des négociateurs russes et ukrainiens se sont réunis à Istanbul, vendredi, pour leurs premières discussions de paix directes depuis plus de trois ans, en présence d’une délégation turque. Le ministre des Affaires étrangères turc, Hakan Fidan, a prononcé un discours d’ouverture à cet événement, qui marque une avancée diplomatique entre les deux parties, qui ne s’étaient pas rencontrées en face à face depuis mars 2022, un mois après le début de l’invasion russe, rencontre qui n’avait abouti à aucun résultat.
Avant cette réunion, un sommet tripartite avait eu lieu à Istanbul entre les Ukrainiens, les Américains et les Turcs.
La rencontre tripartite a été dirigée par le ministre turc Hakan Fidan, en compagnie de son homologue américain Marco Rubio, de l’ambassadeur à Ankara Tom Barrack et de l’envoyé spécial américain pour l’Ukraine, Keith Kellogg. Du côté ukrainien, ont participé le chef de cabinet de la présidence, Andriï Yermak, ainsi que les ministres de la Défense et des Affaires étrangères, Rustem Umerov et Andriï Sibiga, selon des sources au ministère turc des Affaires étrangères.
Commentant la réunion tripartite, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sibiga, a affirmé vendredi que l’Ukraine avait eu un « bon » entretien avec les délégations américaine et turque dans le cadre des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine à Istanbul.
Il a ajouté sur la plateforme « X » que la Russie devait prouver sa volonté d’aboutir à une paix avec l’Ukraine.
Le ministre a insisté sur la nécessité de prendre des « décisions russes concrètes », notamment en ce qui concerne un cessez-le-feu complet et inconditionnel d’une durée minimale de 30 jours.
Andriï Sibiga a également indiqué que son pays s’était mis d’accord avec les délégations turque et américaine lors des pourparlers sur l’urgence de reprendre le processus de paix et de mettre fin à la guerre.
Par ailleurs, des responsables américains et russes ont tenu vendredi une réunion dans un hôtel d’Istanbul en marge des pourparlers concernant l’Ukraine supervisés par la Turquie, selon un responsable américain. Ce dernier a précisé que Michael Anton, directeur de la planification des politiques au département d’État américain, avait eu des discussions en privé avec le conseiller du Kremlin, Vladimir Medinski, qui dirige la délégation de Moscou lors des négociations avec l’Ukraine.
De son côté, le président américain Donald Trump a déclaré vendredi qu’il rentrerait à Washington après sa tournée dans la région du Golfe. Il a ajouté : « Voyons ce qui se passera concernant la Russie et l’Ukraine », en référence aux négociations en cours entre les deux pays en Turquie. Il a mentionné qu’il rencontrerait le président russe Vladimir Poutine « dès que nous pourrons organiser cela ».
Le ministre américain des Affaires étrangères, Marco Rubio, est arrivé à Istanbul vendredi matin et ne participera pas aux négociations directes. Toutefois, Rubio avait précédemment confirmé qu’il rencontrerait son homologue ukrainien Andriï Sibiga, tandis que des responsables de son ministère s’entretiendraient avec la délégation russe.
Rubio avait indiqué jeudi que les attentes de cette rencontre seraient modestes, surtout compte tenu du niveau de représentation russe, les deux parties ayant échangé des insultes avant les pourparlers. Il a déclaré : « Je veux être franc. Je ne pense pas que nous ayons de grandes attentes quant à ce qui va se passer », tout en espérant qu’ils parviendraient à d’importantes avancées vendredi.
Les propos du ministre américain rejoignent ceux du président Donald Trump qui a également jugé peu probable que les négociations sur la fin de la guerre en Ukraine aboutissent avant qu’il ne tienne une rencontre directe avec son homologue Poutine. Trump a déclaré lors de sa visite dans le Golfe : « Je ne pense pas que quoi que ce soit se produise, que cela vous plaise ou non, tant que je ne le rencontre pas ».
Pour sa part, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a également jugé qu’aucune avancée n’était à prévoir, considérant que la Russie ne prenait pas les négociations « au sérieux ». Il a décrit la délégation envoyée par Moscou comme étant « symbolique », tandis que la Russie lui a répondu en qualifiant Zelensky de « clown » et d’ « échec ». Cependant, Moscou a envoyé une délégation dirigée par le conseiller présidentiel russe Vladimir Medinski, connu pour ses positions nationalistes dures, qui avait déjà dirigé les négociations du printemps 2022.
Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan (à droite) rencontre le chef de la délégation de négociation russe Vladimir Medinski à Istanbul.
En revanche, le ministre de la Défense, Rustem Umerov, préside la délégation ukrainienne. Poutine a appelé, le week-end dernier, à des négociations directes avec les Ukrainiens en Turquie, fixant un rendez-vous au 15 mai. Zelensky a montré une certaine ouverture, mais a demandé à Poutine d’assister « en personne » à la réunion à Istanbul.
Un cheminement divergents
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Trump cherche à promouvoir un règlement de la guerre, après avoir promis durant sa campagne électorale de mettre fin au conflit « en 24 heures ». Le président américain, qui conclut vendredi sa tournée dans le Golfe ayant inclus l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats, n’a pas exclu de se rendre en Turquie si des progrès sont réalisés dans les pourparlers russo-ukrainiens. Le conseiller russe Medinski a déclaré qu’il serait en attente de la délégation ukrainienne vendredi matin. Lors d’une conférence de presse à Istanbul jeudi, il a précisé : « Demain matin, à partir de dix heures, nous attendrons la présence de la partie ukrainienne à la réunion ». Medinski a auparavant souligné que son pays considérait les nouvelles négociations comme un « prolongement » des pourparlers bilatéraux infructueux de 2022. Cependant, il a affirmé être prêt à des « compromis potentiels », sans fournir de détails supplémentaires à ce sujet. Il a indiqué que la délégation qu’il dirige avait reçu « tous les pouvoirs » de décision, ce qui a été mis en question par Zelensky plus tôt.
Zelensky a rencontré jeudi à Ankara son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan et, après cette rencontre, il a déclaré que la Russie ne prenait pas les négociations au sérieux, affirmant qu’il avait envoyé une délégation de haut niveau à Istanbul « par respect » pour Trump et Erdoğan. Zelensky a confirmé qu’il était toujours « prêt » à engager des « négociations directes » avec Poutine.
Avant les discussions, le Premier ministre britannique Keir Starmer a souligné la nécessité de faire payer à la Russie le « prix de l’évitement de la paix », lors de sa participation à une réunion du groupe politique européen en Albanie.
Ce groupe regroupe les États membres de l’Union européenne et 20 autres pays, établi en 2022 à l’initiative du président français Emmanuel Macron en réponse à l’invasion russe en Ukraine. Avec Macron et Starmer en Albanie, se trouvent également le chancelier allemand Friedrich Merz, le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, entre autres.
La semaine dernière, Kiev et ses alliés européens ont exhorté la Russie à accepter un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours avant toute négociation, une demande qui n’a pas retenu l’attention de Moscou.
Les deux pays maintiennent des exigences difficilement conciliables. La Russie demande à l’Ukraine de ne pas rejoindre l’OTAN et insiste pour conserver les territoires ukrainiens qu’elle a annexés, tandis qu’un Kiev, soutenu par ses alliés, considère que ces conditions sont inacceptables. En revanche, l’Ukraine souhaite des « garanties de sécurité » occidentales solides pour éviter toute nouvelle attaque russe, et que l’armée russe, qui contrôle environ 20 % du territoire ukrainien, se retire complètement de ses terres, bien que Zelensky ait précédemment admis que son pays pourrait être amené à récupérer certains de ses territoires par des voies diplomatiques.
Sur le terrain, les hostilités continuent entre les deux camps. Les autorités ukrainiennes ont fait état de la mort d’une femme dans des bombardements russes sur la ville de Koupyansk, et d’une autre femme d’une cinquantaine d’années dans la région de Dnipro. De son côté, la Russie a déclaré avoir abattu 65 drones lancés par l’Ukraine durant la nuit.