Au cœur des débats renouvelés sur les dangers de la consommation de lait non pasteurisé et sa relation avec la tuberculose, les experts en santé et en sécurité alimentaire s’accordent sur la nécessité de remettre les choses dans leur contexte scientifique, évitant ainsi les exagérations qui pourraient induire en erreur l’opinion publique sur les véritables causes de cette maladie et ses modes de transmission.
Abdelghani Azy, directeur de la surveillance des produits alimentaires à l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), explique qu’il existe deux types de bactéries responsables de la tuberculose : la première, « Mycobacterium tuberculosis », est responsable de la majorité des cas chez l’homme et se transmet par des gouttelettes respiratoires d’une personne à une autre. Le second type, « Mycobacterium bovis », est lié à la tuberculose bovine et représente une part très minime des infections humaines.
Azy cite des chiffres de l’Organisation mondiale de la santé qui confirment que plus de 95 % des cas de tuberculose chez l’homme sont dus à des bactéries humaines, ce qui signifie que la maladie est principalement une affection humaine qui se transmet d’homme à homme, et non des animaux ou par des produits d’origine animale, comme on le pense parfois.
En matière de sécurité alimentaire, le porte-parole souligne que l’office mène une surveillance continue et quotidienne des viandes dans les abattoirs nationaux, ainsi qu’une inspection régulière des unités de production de lait et de ses dérivés, afin de respecter les normes sanitaires et de garantir la sécurité des produits offerts à la consommation.
De son côté, Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, insiste sur le fait que « dramatiser le lait en tant que principale source de transmission de la tuberculose est une tromperie scientifique ». Il déclare : « 95 % des cas de tuberculose chez l’homme se transmettent d’homme à homme, seuls 5 % proviennent des animaux, ce qui signifie que parmi chaque 20 cas de tuberculose à travers le monde, 19 sont causés par une infection humaine et un seul provient des animaux. »
Hamdi ajoute, dans une déclaration à Hespress, que « le lait non pasteurisé n’est pas le seul moyen de transmission de la tuberculose de l’animal à l’homme, il existe d’autres voies, comme la consommation de viandes ou d’organes d’animaux mal cuits, ou par contact direct avec des animaux malades. »
Cependant, le plus dangereux, selon ce chercheur, est de lier la tuberculose uniquement au lait, ce qui revient à cacher deux forêts derrière un arbre : la première est l’ignorance du fait que l’homme est la source principale de l’infection, et la seconde est le fait de négliger des dizaines d’autres maladies que peut transmettre le lait non traité, comme la diarrhée, les intoxications alimentaires et certaines maladies mortelles.
Dès lors, il appelle à se concentrer sur la prévention de la transmission de l’infection entre les humains, par le dépistage et le traitement des cas infectés, tout en insistant sur l’importance de faire bouillir le lait, ou de le pasteuriser et de l’aseptiser, et d’assurer son transport et son stockage dans des conditions sanitaires appropriées, afin de protéger la santé publique de diverses maladies, et pas seulement de la tuberculose.
Les experts s’accordent sur le fait que le véritable risque réside dans la transmission humaine de la tuberculose et non dans la consommation de lait, et que la protection efficace commence par une sensibilisation scientifique, une surveillance rigoureuse et des comportements de santé appropriés.