Younes Mjahed écrit… Les droits de l’homme à but lucratif
Il n’est pas nouveau que certaines parties transforment la question des droits de l’homme en une idéologie, utilisée à des fins politiques, alors que les principes des droits humains transcendent toutes considérations et intérêts partisans et idéologiques. Toutefois, ce qui se passe au Maroc, comme dans de nombreux pays, c’est la chute de ces principes de leur statut élevé, les entraînant dans le bourbier des calculs politiques et égoïstes. Cela ne se limite pas aux organisations de la société civile, mais concerne également certains États, notamment occidentaux, qui ont fait des slogans des droits de l’homme un outil diplomatique pour échanger contre des gains commerciaux et politiques. Cela est désormais bien connu et se caractérise par une certaine transparence dans les relations internationales, n’exigeant pas beaucoup d’efforts pour le prouver.
Ce qui nous intéresse ici, c’est d’examiner certains éléments qui méritent l’attention concernant le comportement de ceux qui brandissent les slogans des droits de l’homme, pour les exploiter, sans y croire réellement, car pour eux, il ne s’agit que d’un abri politique et d’une source de financement, et beaucoup d’entre eux se tournent également vers une protection extérieure garantie par des organisations de droits humains internationales, dépendant bien sûr de gouvernements occidentaux.
Les questions qui peuvent surgir sont les suivantes : pourquoi ce recours à la protection extérieure ? N’est-il pas logique de chercher du soutien à l’intérieur du pays, de se tourner vers les partis politiques, les syndicats et les organisations marocaines ? Ne serait-il pas plus judicieux pour certaines forces de gauche utilisant les droits humains de s’appuyer sur « les masses populaires » plutôt que de compter sur un soutien étranger ? Il existe de nombreuses questions légitimes que l’on peut poser à cet égard, qui trouvent leur réponse, tout simplement, dans le fait que ces groupes qui emploient l’idéologie des droits de l’homme sont isolés dans leur propre pays, incapables de mobiliser à l’intérieur, car ils soutiennent des causes politiques qui ne trouvent pas d’écho au Maroc, malgré leur habillage avec des slogans de droits.
Ce scénario n’est pas né d’hier, mais a commencé dans les années 1970 au sein de groupes de gauche marxiste-léniniste, qui étaient en prison, où le conflit était intense entre les prisonniers politiques considérant qu’il fallait se tourner vers les partis nationaux et démocratiques, les syndicats et les organisations marocaines pour demander la libération, tandis qu’une autre partie, appartenant surtout à l’organisation « A la avant », croyait qu’il fallait se tourner vers les forces internationales et les organisations étrangères. Dans ce contexte, un vif conflit politique a eu lieu lorsque le président français François Mitterrand a visité le Maroc en 1983.
Les partisans d' »A la avant » ont proposé que les prisonniers politiques du centre pénitentiaire de Kénitra se tournent vers François Mitterrand pour défendre ce dossier, proposition à laquelle une autre partie de prisonniers politiques s’est opposée, refusant de permettre à Mitterrand d’utiliser leur cause comme un atout politique pour échanger contre les intérêts de la France. Il a ensuite été révélé que madame Danielle Mitterrand avait une liste à présenter à feu le roi Hassan II, comprenant des noms de prisonniers politiques qui adoptaient une position opposée à la marocanité du Sahara.
J’ai eu l’occasion de rencontrer madame Mitterrand lors d’une rencontre en direct, et j’ai été de plus en plus convaincu de l’hypocrisie de certains défenseurs des droits de l’homme en Occident. En 1990, j’étais invité à visiter Paris, et parmi les activités que j’y ai menées, j’ai visité le siège de l’organisation « France Libertés » pour rencontrer l’épouse de l’ancien président français. Ce que j’ai remarqué à mon arrivée dans cet endroit, c’est sa grandeur, presque comme un palais de reine, et non un bureau d’une « militante des droits ».
La rencontre a abordé de nombreux sujets concernant les droits humains, et je n’avais qu’un message à lui transmettre : son organisation s’appuie sur des rapports erronés concernant le Maroc, émanant d’organisations et de personnes marginales, alors que ce pays regorge de partis, de syndicats et d’organisations militantes qui ne sont pas marginales, et dont le travail et les rapports sont plus crédibles.
Cependant, cette rencontre s’est mal terminée lorsque je lui ai dit qu’au Maroc, nous ne comprenons pas pourquoi elle adopte une position hostile contre nous au sujet du Sahara, en tant que militante, alors qu’elle envoie des convois à Tindouf, sans faire de même pour le peuple palestinien. L’atmosphère s’est tendue, et madame Mitterrand n’a pas pu cacher son agacement, mettant ainsi fin à la rencontre. Je suis sorti de ce palais luxueux, accompagné d’un protocole digne d’un chef d’État, plus convaincu que « France Libertés » n’est qu’un bouclier diplomatique pour Mitterrand, tout comme de nombreuses organisations de droits humains qui ne sont que des bras armés de leurs États.
Par conséquent, il n’est pas surprenant que ce parcours se poursuive, de la part d’organisations et de personnes cherchant un soutien étranger, alors qu’elles sont isolées chez elles, en raison des positions politiques qu’elles défendent, malgré leur revêtement de slogans des droits, dont la peinture se décolle rapidement. Il y a même parmi ces groupes ceux qui ont fait de l’hostilité envers le soutien au projet sécessionniste au Sahara marocain l’une de leurs priorités. Cette tendance n’est pas aléatoire, mais bien étudiée, organisée et consciente, car elle génère des bénéfices et des revenus, qui sont distribués par les organisations et les États donateurs.