Alger, condamne l’infraction sans déranger le contrevenant : communiqué du ministère des Affaires étrangères ou exercice de fuite linguistique ?
Dans un tableau politique des plus clairs, l’Algérie a, comme à son habitude, choisi d’être l’exception dans la région, en préférant un flou éloquent à une clarté décisive, suite à l’attaque par missile de l’Iran contre la base américaine d’Al-Udeid au Qatar. Tandis que la majorité des capitales arabes se sont accordées pour condamner ce qui était perçu comme une atteinte directe à la souveraineté d’un État arabe, l’Algérie, elle, s’est retrouvée dans un état de "profonde préoccupation" et de "grave inquiétude", comme si elle souffrait d’une crise linguistique l’empêchant de prononcer le nom de l’Iran.
Le communiqué émis par le ministère algérien des Affaires étrangères ressemblait à la déclaration d’un élève craintif face à la colère de deux professeurs simultanément, évoquant des "violations de la souveraineté de l’État frère du Qatar et de l’intégrité de son territoire" sans oser nommer celui qui a enfreint cette souveraineté. Était-il si compliqué pour la diplomatie algérienne de mentionner l’Iran ? Ou bien les calculs d’alliances et les enjeux obscurs liés à des camps contradictoires prennent-ils le pas sur toute considération éthique ou morale ?
Il est ironique de constater que ce communiqué ne représente qu’une reproduction ennuyeuse d’un style diplomatique auquel l’Algérie s’est accoutumée : un discours dépourvu de contenu, neutre en apparence, mais lâche dans son essence. Ni en faveur de la victime, ni contre le coupable, ce communiqué se contente de suggérer qu’il "y a un problème", sans en désigner la cause. C’est comme dire : "Nous condamnons le meurtre", sans désigner l’assassin, alors qu’il se tient devant vous, souriant, l’arme encore chaude.
Alors que le monde est en train d’observer des transformations radicales dans les relations entre États et leurs équilibres, l’Algérie reste prisonnière d’une approche désuète, considérant le silence comme une vertu et l’ambiguïté comme un art diplomatique, même en cas d’agression flagrante contre un pays arabe frère. Ainsi, le ministère algérien des Affaires étrangères continue de jouer le rôle de spectateur réservé, refusant d’applaudir ou de s’opposer, par crainte de déranger l’un des acteurs ou d’être contraint à une position dans un temps où la neutralité est un luxe que seul ceux dont on ne peut se fier disposent.
L’Algérie croit-elle réellement que l’ambiguïté lui confère un poids dans la région ? A-t-elle perdu la capacité de s’exprimer autrement qu’en langage de bois ? Quoi qu’il en soit, le message est clair : lorsque la souveraineté du Qatar est violée de manière directe, n’attendez pas de l’Algérie plus qu’une "inquiétude" et une "préoccupation"… et peut-être quelques formules creuses, adaptées à une consommation diplomatique, rien de plus.