Mohammed Afif s’éteint en silence : chant de mémoire pour Essaouira

Mohammed Afif s’éteint en silence : chant de mémoire pour Essaouira

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Avec la discrétion de sa présence et la profondeur de son empreinte artistique, Mohammed Afif s’est imposé comme l’une des figures singulières de la scène picturale marocaine, inscrivant sa démarche dans un dialogue constant entre enracinement territorial et ouverture poétique. Né à Essaouira le 21 mars 1963, il a consacré son parcours à redéfinir la relation entre l’homme et l’espace, en érigeant la ville atlantique en matrice esthétique et en horizon symbolique.

Son œuvre se situe au carrefour du sensible et de l’universel. Ses toiles ne se limitent pas à retranscrire le paysage, mais l’élèvent au rang de territoire mémoriel, où se croisent la trace intime et l’évocation collective.

À ce propos, le critique d’art Abdellah Cheikh écrit :« Les œuvres de Mohammed Afif sont baignées de lumières bleutées, traversées par des éclats floraux et des ombres aquatiques. Ce langage pictural résume l’alchimie subtile entre la nature et l’esprit. L’horizon s’ouvre, le ciel se déploie, et la végétation vibrante semble presque musicale, enveloppant le passage de l’eau, miroir fragile d’un lieu en perpétuelle métamorphose. Afif ne peint pas ce que l’œil saisit, mais ce que la mémoire éveille : les remous du souvenir, le parfum du vent, et les mystères du ciel offert à la mer ».

Poursuivant son analyse, il ajoute : « Chez lui, chaque coup de pinceau est une confidence, chaque couleur une mémoire. Le bleu domine, arraché aux murs d’Essaouira, imprégnés de sel et d’histoire. Les teintes rouges et ocres résonnent comme un écho à la terre brûlée des confins de la ville, tandis que le vert et le jaune murmurent la promesse d’un printemps ininterrompu. Ici, la couleur n’est jamais un simple pigment ; elle est état d’âme, métaphore de l’être, et modulation du silence ».

Les connaisseurs s’accordent à dire qu’Afif n’était pas un simple paysagiste, mais un interprète spirituel du visible. Ses œuvres incarnent une quête de réconciliation entre le tangible et l’invisible, entre la suggestion plastique et l’élan méditatif.

Son approche s’inscrit dans un processus presque mystique visant à figer le mouvement sans l’étouffer, offrant au regardeur un moment suspendu, semblable à un souffle entre deux vagues.

Le départ de Mohammed Afif s’est fait à l’image de son œuvre : discret, habité par la sérénité. Selon son compagnon de route et collaborateur, l’artiste peintre Mohammed Bouafia, qui partageait avec lui un atelier au cœur de la Sqala de la Médina , il s’en est allé avec la douceur des portes ancestrales.

Mais ses toiles, elles, restent vivantes, interpellant les consciences et réveillant la mémoire. Son legs artistique est un héritage d’émerveillement, une invitation muette à ériger la beauté en socle de mémoire collective.

Comme l’a souligné Kamal Ottmani, fondateur et directeur de la Galerie « Othello», sa disparition constitue une perte majeure pour la scène artistique nationale. Pourtant, le nom d’Afif continuera de résonner dans les ateliers et galeries du Maroc, tel un hymne inaltérable d’amour pour Essaouira, son vent salin, la profondeur de son ciel et les lamentations de ses mouettes.

Dans ce contexte, l’artiste plasticien Abdellah Oulamine a exprimé son regret :
« Que Dieu lui accorde Sa miséricorde, à lui comme à tous ceux qui nous ont quittés après avoir légué à Essaouira et au Maroc un patrimoine pictural remarquable. Malheureusement, les institutions responsables n’ont pas su lui offrir l’accompagnement qu’il méritait. Trop souvent, nous assistons impuissants à l’exil de ces œuvres vers des galeries étrangères, là où elles reçoivent enfin l’estime qui leur est due. Il est urgent que les autorités compétentes rectifient cette négligence et recadrent les choses ».

Ainsi, bien que disparu, Mohammed Afif demeure vivant dans le paysage artistique marocain. Son œuvre poursuit son dialogue silencieux avec les âmes, tel un phare apaisé guidant le regard vers l’essence cachée de la beauté.

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