Younes Mjahed écrit… La politique et l’autonomie organisationnelle du journalisme

Younes Mjahed écrit… La politique et l’autonomie organisationnelle du journalisme

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Younes Mujahed écrit : le politique et l’organisation autonome de la presse

Le Conseil des députés au parlement marocain a discuté de deux projets de loi concernant la réorganisation du Conseil national de la presse et des modifications du statut des journalistes professionnels. Bien qu’il soit courant que tout projet de loi suscite des débats, en particulier entre la majorité et l’opposition, la situation ici diffère radicalement de nombreux autres projets ou propositions de loi. En effet, la question de l’organisation autonome, comme son nom l’indique, concerne les journalistes et les éditeurs qui discutent quotidiennement de leur profession, et non ceux qui ne s’en préoccupent que lorsqu’elle est soumise au parlement, après des années de silence et de négligence.

Dans diverses expériences observées dans les pays avancés considérant la pratique démocratique, ce sont les organisations professionnelles, à travers le consensus qu’elles atteignent, qui déterminent la forme et la structure des conseils de presse. Ces conseils sont en fait des instances d’éthique, plus que tout autre chose, et les autorités publiques n’interviennent que pour réglementer et valider ce qui a été convenu. Cependant, dans certains cas, elles se voient obligées d’intervenir davantage pour protéger le public.

Un des exemples les plus célèbres est survenu en Grande-Bretagne, suite aux abus révélés dans les journaux appartenant à Rupert Murdoch et à l’incapacité de l’instance d’organisation autonome à gérer ces violations. Cela a conduit le Premier ministre, David Cameron, à créer une commission d’enquête, présidée par un haut magistrat, Lord Leveson, pour élaborer un rapport sur les problèmes d’éthique journalistique. Bien que cette commission ait fait face à l’opposition de certaines parties de la profession, elle a abouti à des résultats significatifs, notamment l’annonce d’un code d’éthique royal et à la création d’une commission de reconnaissance de la presse, approuvée par le parlement en 2013, qui a établi des critères pour l’organisation autonome. À la suite de cela, deux instances d’organisation autonome ont été créées : la première appelée l’Autorité des normes de la presse indépendante, présidée par l’agent de la couronne britannique, Edward Fox, et la seconde, l’organisme indépendant d’éthique de la presse, dirigé par Richard Air, président de l’organisation « Article 19 ». Si la première instance refuse d’appliquer les normes de la commission de reconnaissance de la presse et l’obligation des sanctions, la seconde respecte les principes de cette commission.

Ce que nous tenons à souligner ici, c’est que l’intervention politique dans les affaires de l’organisation autonome est survenue à la suite d’une enquête menée par une commission dirigée par l’un des plus grands juges de Grande-Bretagne, et non sur la base d’une expression d’opinion politique, sans étude ni examen.

Le même processus s’est répété en Australie, où la commission Finkelstein a été mise en place en 2012, une enquête similaire à celle de la Grande-Bretagne concernant l’organisation autonome. Cependant, les États-Unis ont été pionniers en matière de ce genre d’enquêtes, avec la commission dirigée par le doyen de l’Université de Chicago, Robert Hutchins, composée de professeurs de sciences sociales, en 1942. Celle-ci a travaillé pendant cinq ans et produit un rapport de référence sur la responsabilité sociale de la presse.

Ces différentes expériences se sont appuyées sur des juges, des chercheurs et des experts pour réaliser des rapports sur les enjeux de la pratique journalistique et l’éthique de la profession, ainsi que sur leur relation avec la société. Sur la base des diagnostics et des conclusions de ces rapports, des mesures et des initiatives de réforme ont été prises par les représentants de la profession ainsi que par les parlements et les gouvernements.

L’expérience marocaine, bien que dans des contextes différents, ressemble à ce qu’il s’est passé dans ces pays. En effet, une commission de professionnels et d’experts, comprenant un juge, a été chargée d’analyser la situation de la presse, les questions d’éthique professionnelle et l’organisation autonome. Cela a été réalisé et remis au gouvernement sous forme de rapport, incluant tous les aspects de l’industrie journalistique, en particulier en ce qui concerne la situation des entreprises, leurs ressources humaines, les moyens de protéger la profession des intrus, l’environnement économique pour investir dans ce secteur, la crise de la publicité, et la formation dans les domaines des médias. La question du Conseil national de la presse n’était qu’un des axes de ce rapport.

Cependant, certains politiciens se sont jugés au-dessus de ces études et recherches contenues dans le rapport de la commission temporaire qui gérait le secteur de la presse et de l’édition, travaillée par des experts en la matière, professionnels et chercheurs, et pour laquelle la commission avait organisé des séances de consultation. Ils ont ignoré tout cela et se sont autoproclamés tuteurs de la profession et de son organisation autonome, sans aucune légitimité.

La différence entre ce qui s’est passé dans les pays avançés et le Maroc est que les politiciens dans les pays ayant des traditions démocratiques ont respecté les rapports des commissions d’enquête, tandis que certains politiciens chez nous ont outrepassé cette légitimité pour de petites victoires qui ne correspondent pas à la responsabilité sociale qui devrait en principe peser sur tout le monde, journalistes comme parlementaires.

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