Les Immortels d’Essaouira : Arab Azhhili et Abd al-Rahman Ziyani célébrés

Les Immortels d’Essaouira : Arab Azhhili et Abd al-Rahman Ziyani célébrés

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Dans l’espace habité par le vent et la lumière, Essaouira se rappelle, dans un moment de révélation, pour devenir une géographie de la mémoire. L’exposition « Les Éternels à Essaouira », qui se tient actuellement au Riad de la Kasbah, n’est pas simplement un hommage à deux noms historiques, mais un passage vers ce qui dépasse l’image, vers ce champ caché où résonnent deux mémoires artistiques (Arabi Asliṭ et Abdel Rahman Elziyani) qui ont fait de l’art une sphère spirituelle et un langage de résistance contre l’effacement. Leur art ne glorifie pas la pérennité du corps, mais celle de la vision, ce qui demeure lorsque tout s’estompe.

Chez Arabi Asliṭ, les lettres arabes se transforment en souffle, en rythme et en lumière. Il abandonne la technique pour atteindre l’essence. L’écriture sur ses toiles n’est plus simplement de l’écrit, mais devient respiration. Le cercle doré, récurrent dans ses œuvres, agit comme un cœur cosmique où se dissolvent les frontières entre le visible et l’invisible. Les lettres deviennent des vibrations énergétiques, touchant le silence tout comme le sacré. Ses tableaux ne sont pas des prières à lire, mais une recherche ouverte de l’équilibre entre le trait et le vide, entre la pensée et la lumière. Asliṭ ne dessine pas la lettre, il la libère. De cette libération naît un marqueur marocain dans l’abstraction calligraphique, mêlant contemplation esthétique et pureté spirituelle, où la matière se transcende en âme et la couleur devient contemplation expressive.

En contraste, Abdel Rahman Elziyani incarne l’autre visage du même souffle. Sa toile émerge du choc, de la tension, de l’explosion de la couleur comme une étincelle d’existence. Ses lignes abruptes et ses espaces embrasés rappellent les luttes intérieures, où les couleurs deviennent des expériences de vérité. Son œuvre n’est pas une description du monde, mais un appel à la mémoire pour renaître de ses cendres. Les vents d’Essaouira, qui effacent pour écrire, soufflent au cœur de ses travaux, chargés de ce paradoxe créatif entre effacement et renaissance.

Elziyani ne redonne pas vie à la réalité, mais l’interprète à partir d’une lumière intérieure, une lumière blessée mais toujours renouvelée. Dans ce secret réside peut-être son immortalité artistique : la capacité de transformer la mémoire en flamme, et la couleur en langage de survie. Dans ce dialogue post-existentialiste entre deux artistes disparus, Essaouira se change en un ventre symbolique qui étreint le sens. Ville à la lisière des éléments et des civilisations, elle a été et demeure une sphère qui attire les artistes qui perçoivent l’acte créatif comme un mode d’existence. Sa lumière marine, ses murs blancs et son horizon atlantique ouvert en ont fait un refuge pour toutes les formes d’invisible. Au Riad de la Kasbah, sous la présidence et la direction de l’amateur d’art Kabir Attar, l’esprit du lieu ne se contente pas de montrer les œuvres, mais redonne vie à la mémoire collective pour lui offrir une nouvelle forme de pérennité.

Le titre de l’exposition, « Les Éternels à Essaouira », porte une signification critique qui dépasse son apparence. L’éternité ici n’est pas un hommage au passé, mais une métaphore de la continuité du sens. Être éternel, c’est continuer à parler à travers l’œuvre, enrichir le regard du présent. Dans ce sens, l’exposition est un acte d’interprétation visuelle : une lecture de la toile comme l’esprit lit lui-même. Les œuvres d’Asliṭ et d’Elziyani ne sont pas des vestiges, mais des êtres vivants dans la mémoire de l’art marocain.

Asliṭ se dirige vers la lumière intérieure, tandis qu’Elziyani se tourne vers la flamme du monde. Le premier contemple, le second s’enflamme, et tous deux révèlent une seule vérité : que l’art est un acte d’espoir face à la mortalité. En les réunissant dans un même espace, Essaouira nous rappelle que l’art est une douce résistance contre le néant, et que les couleurs préservent ce qui ne peut être dit et ce qui ne meurt pas. Comme l’a dit Ibn Arabi : « La vision véritable fait partie des vestiges de la prophétie, elle est une des illuminations de l’âme dans l’éveil du cœur ». L’art, à son tour, est une vision inextinguible, son rêve subsiste dans l’existence tant que chez l’homme demeure une trace de lumière ou de souvenir. Ainsi, dans le silence des murs de la Kasbah, sous les souffles des vents atlantiques, Essaouira continue de préserver le secret de l’immortalité de ses créateurs. Arabi Asliṭ et Abdel Rahman Elziyani ne sont plus seulement deux noms, mais deviennent souffles, rythmes et éclats de lumière. Ils incarnent une promesse esthétique et spirituelle unique : que l’art, dans son essence, est une promesse d’immortalité.

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