Aussar Ahmed/
Il n’est pas exagéré de dire que le Maroc vit un moment charnière dans son parcours de réforme politique. Le projet de loi organique n° 53.25, présenté par le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit devant la Chambre des représentants, ne relève pas d’ajustements techniques, mais s’inscrit dans un processus de rétablissement de la confiance entre le citoyen et la politique. C’est une déclaration claire que le temps de la tolérance envers la corruption électorale est révolu, et que le prochain Parlement doit être une institution propre qui honore ceux qu’elle représente et sert ceux qui l’ont élue.
Cette loi vise à mettre un terme à une période durant laquelle des personnes indignes ont réussi à s’introduire dans les institutions élues, profitant de failles juridiques ou d’une complaisance politique. Grâce à ses dispositions, il ne sera plus permis à quiconque étant poursuivi pour des crimes touchant à l’éligibilité de se porter candidat. La porte restera fermée à ceux impliqués dans des délits ou une mauvaise gestion des fonds publics. C’est une gifle franche à tous ceux qui ont utilisé les élections comme un moyen d’intérêts personnels, au lieu de servir l’intérêt général.
Notons également que la loi ne se résume pas seulement à des mesures d’interdiction et de sanction, mais s’oriente aussi vers l’ouverture et le renouvellement. Elle permet aux indépendants compétents, en dehors des partis, de se porter candidats, à condition d’obtenir un nombre défini de signatures. Une démarche audacieuse qui redonne espoir à un large éventail de Marocains ayant perdu confiance dans les partis, et qui affirme que compétence et crédibilité ne se mesurent pas à l’appartenance partisane, mais à la capacité d’un individu à servir son pays.
En ce qui concerne les conflits d’intérêts, le législateur a eu raison de renforcer les restrictions pesant sur les fonctionnaires de l’État occupant des postes influents, car il est illogique que le pouvoir administratif se transforme en capital politique. La prolongation de la période d’interdiction et l’interdiction de se porter candidat dans la même circonscription pendant cinq ans envoie un message clair : les élections ne sont pas une prolongation de la fonction, mais un examen d’intégrité.
Le plus important dans ce projet est qu’il redonne ses lettres de noblesse au concept de responsabilité morale et politique. Un député condamné à plus de six mois d’emprisonnement sera déchu de son mandat, et celui qui présente une démission non justifiée sera renvoyé devant le Conseil constitutionnel pour évaluer son aptitude future. Ces mesures placent le Parlement devant un test réel : être une institution de contrôle et de législation, et non un refuge contre la responsabilité.
Cette loi, avec sa rigueur et sa clarté, est avant tout une réforme éthique avant d’être légale. Une réforme visant à restaurer le prestige de la politique, à assécher les sources de rentabilité électorale, et à établir un nouveau pont entre le citoyen et les institutions qui le représentent fidèlement.
Le Maroc envoie aujourd’hui un message fort, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur : il n’y a plus de place pour ceux qui considèrent la politique comme un moyen d’enrichissement ou d’évasion des sanctions. Soit vous êtes un représentant honnête et responsable, soit vous sortez par la grande porte de la loi.
Le projet de loi 53.25 n’est pas simplement un texte réglementaire, mais un tournant national dans le processus de purification de la vie publique. Si son application se fait avec fermeté et justice, il sera inscrit comme l’une des réformes politiques les plus importantes de la dernière décennie — une réforme qui redonne à la politique marocaine son sens noble : servir le citoyen et non soi-même.



