La salle du 7ᵉ Art à Rabat a accueilli, dans le cadre de la 30ᵉ édition du Festival international du film d’auteur, la projection du premier long métrage documentaire de la réalisatrice marocaine Oulaya Touir, « Traces nomades ». Soutenu par le Centre cinématographique marocain, ce film de 56 minutes dresse un portrait sensible et approfondi de l’artiste et chercheur en esthétique Brahim El Haissan. L’œuvre était en lice pour le Prix de la compétition officielle des films documentaires, aux côtés du long métrage libanais « Récits de la terre blessée » d’Abbas Fadel.
Un public nombreux pour une œuvre attendue
La projection a attiré un large public composé de journalistes, écrivains, artistes plasticiens, cinéastes, photographes, critiques d’art et universitaires. Une affluence qui témoigne de l’intérêt grandissant pour l’œuvre de Brahim El Haissan, figure majeure de la recherche esthétique au Maroc, et de la curiosité suscitée par la démarche filmique de la jeune réalisatrice.
Un voyage esthétique au cœur du désert
Le documentaire entreprend une traversée des moments clés du parcours artistique d’El Haissan, en explorant les paysages intérieurs et extérieurs qui nourrissent son œuvre : son atelier, son exposition au jardin Olhao à Agadir, la ville de Laâyoune, ainsi que les vastes étendues désertiques qui inspirent ses tableaux et sculptures. Cette immersion confère au film une dimension méditative où la mémoire, la trace et le désert tissent un récit visuel empreint de spiritualité.
Éclairage critique et profondeur analytique
Le film se distingue par l’intégration de regards critiques éclairés, notamment ceux du Dr. Abdellah Cheikh et de Benyounes Amirouche, dont les interventions apportent une lecture analytique du travail d’El Haissan. Le critique M’Barek Housni a, pour sa part, salué la force du documentaire et sa capacité à mettre en lumière l’héritage visuel du désert dans la démarche de l’artiste.
Intervenant lors de la projection, Brahim El Haissan a exprimé sa gratitude envers l’équipe du film et rappelé l’importance des sources sahariennes dans son œuvre, qu’il continue à explorer à travers les costumes traditionnels, les objets artisanaux et leurs symboliques ancestrales.
La réalisatrice : un film né d’une quête intérieure
Oulaya Touir a confié avoir conçu « Traces nomades » comme un espace de réflexion autour de la mémoire, des lieux et des êtres qui les habitent. Pour elle, présenter ce film en hommage à El Haissan dans un festival marocain d’envergure constituait un moment fort :
« Ce film porte en lui un cheminement intérieur et une interrogation sur ce que les déplacements laissent comme empreintes profondes », a-t-elle déclaré.
Elle a également salué l’engagement de son équipe ainsi que la pertinence des échanges critiques qui ont enrichi son travail.
La vision du Dr. Abdellah Cheikh : un documentaire de référence
Pour le critique d’art et chercheur en esthétique Abdellah Cheikh, le documentaire est « une expérience cinématographique singulière » mêlant rigueur documentaire et créativité filmique. Il estime que le film s’éloigne des récits linéaires traditionnels pour adopter une approche analytique qui relie mémoire, histoire et esthétique. Une démarche qui, selon lui, fait de « Traces nomades » un document de référence sur le parcours complexe et riche de Brahim El Haissan.
Cheikh a également souligné la nécessité d’élargir la production d’œuvres documentaires consacrées aux artistes marocains, afin d’enrichir la mémoire visuelle nationale. Il a annoncé la publication prochaine d’un ouvrage critique d’El Houssine Ibrahim intitulé « Le plasticien et le cinéaste : connivences esthétiques », préfacé par le critique syrien Mohamed Aabidou.
Une équipe artistique soudée et un rendu maîtrisé
L’aspect visuel du film doit beaucoup au travail du directeur de la photographie Karim Benbbou, soutenu par la prise de son d’Abdelaziz Ghassine. Le scénario a été élaboré par Ali Salem Yara, tandis que la direction artistique a été assurée par Abdelilah El Jaouhary. La musique originale du duo Elringo a accompagné avec justesse les atmosphères méditatives du documentaire. La production, signée Naji El Jaouhary et Zorba Prod, a permis d’aboutir à une œuvre harmonieuse et aboutie.
Un succès artistique confirmé
Au final, « Traces nomades » a été unanimement salué pour sa poésie visuelle, la profondeur de son propos et la finesse de sa construction narrative. Le film s’impose comme une contribution notable au paysage cinématographique marocain contemporain, offrant un regard renouvelé sur un artiste dont le travail demeure intimement lié aux esthétiques du désert.



