Par Najiba Jalal
La guerre que subit aujourd’hui le Maroc n’a pas l’éclat des canons ni le fracas des putschs ; elle est subtile, raffinée, méthodiquement orchestrée et financée avec une précision chirurgicale. Derrière les oripeaux de la liberté d’expression et des droits de l’homme, elle déploie les instruments les plus puissants de notre époque : l’information, l’image, la plateforme numérique. C’est la guerre de cinquième génération, où l’on conquiert non pas les territoires, mais les esprits ; où l’on façonne les perceptions plutôt que les frontières ; où la conviction fallacieuse supplante la force brute.
Si certains ont pu voir dans les récents articles du Monde l’amorce de cette offensive, il ne s’agissait en réalité que d’une étape tardive, l’aboutissement médiatique d’un plan patient qui s’étendait sur quatre années. Durant cette période, une constellation d’influenceurs, de pseudo-journalistes et de vidéastes numériques a œuvré méthodiquement à discréditer les institutions, à détourner le regard des citoyens de leurs repères et à éroder la légitimité des symboles de souveraineté.
Le récit commence avec Hamid El Mahdaoui, qui, du journalisme au militantisme numérique, a fait de ses chaînes un instrument de déstabilisation, utilisant la provocation et le populisme pour saper la confiance des Marocains envers leurs institutions judiciaires et sécuritaires.
Vint ensuite Tawfik Bouachrine, qui transforma ses déboires judiciaires personnels en un instrument politique de délégitimation.
Puis Jerando, relais d’influences étrangères, qui prétendait légitimer ses attaques contre le Maroc au nom de la liberté d’expression.
En toile de fond, Abdelmajid Tounarti, loin d’être un “analyste” ou un “lanceur d’alerte” crédible, s’érigea en maître du chantage médiatique, vivant d’imposture et d’invention, orchestrant depuis le début la diabolisation des institutions de sécurité et de justice avant d’orienter ses flèches contre la monarchie elle-même.
Cette constellation d’individus prépara le terrain pour l’opération “Jabroot”, pivot stratégique où le combat individuel laissa place à une logistique numérique organisée, transformant le brouhaha en campagne coordonnée.
Puis s’ouvrit la phase de “Gen Z 212” et des espaces Discord, incarnation la plus aboutie de la guerre cognitive : sous couvert de discussions spontanées et de podcasts critiques, se déployait une architecture pensée pour déstabiliser les croyances institutionnelles et semer le doute identitaire chez les jeunes hyper connectés.
Ces opérations ne sont pas isolées ; elles constituent un écosystème global fondé sur la synergie entre plateformes numériques, financements occultes et appuis extérieurs coordonnés, souvent camouflés derrière des ONG de presse ou de droits humains, soi-disant neutres, mais en réalité instrumentalisées pour alimenter le scepticisme et la contestation artificielle.
Les armes de cette guerre sont d’une sophistication inédite :
-algorithmes ciblant les populations les plus réceptives,
-intelligence artificielle décodant le comportement numérique,
-espaces fermés, Discord ou Telegram, orchestrant débats et manipulations.
Voici donc le visage contemporain de la guerre : sans front, sans uniforme, menée au cœur des esprits et des émotions. Son objectif n’est pas de conquérir un territoire, mais de miner la confiance — en l’État, en la justice, dans les médias, et dans l’avenir même.
Le Maroc a tôt compris que cette bataille ne se menait pas contre des individus isolés, mais contre une architecture complète de fragilisation, combinant propagande numérique, appuis extérieurs et financements dissimulés sous le masque des droits et libertés.
Ce que les architectes de la discorde n’avaient pas anticipé, c’est que la jeunesse marocaine possède une acuité politique et historique profonde. En dépit de son ouverture et de sa connectivité, elle a rapidement discerné la supercherie. Les jeunes happés dans les bulles Discord et autres cercles Gen Z 212 ont compris que leur supposée “révolution numérique” n’était qu’un emballage séduisant pour un projet de déstabilisation.
Peu à peu, ils se sont retirés, un à un, et ce retrait discret fut paradoxalement le signe le plus fort de prise de conscience collective. La fameuse “manifestation millionnaire” annoncée se réduisit à une rencontre éparse, terne, où les journalistes étaient plus nombreux que les participants eux-mêmes, révélant que la “grande bataille” promise n’était qu’une illusion médiatique soigneusement construite.
Ainsi, la partie s’acheva comme elle avait commencé : sur une illusion révélée. Mais le Maroc, face à cette guerre de perception et de manipulation, a opposé ce qui constitue sa force la plus durable : la confiance, l’intelligence et la lucidité de ses citoyens.
Car lorsqu’un peuple saisit le jeu, les instruments de la guerre psychologique se brisent, et les plateformes de manipulation se transforment en archives du mensonge démasqué.