Si le développement fulgurant de l’Intelligence Artificielle (IA) s’est renforcé avec la crise du Covid 19 en suscitant de nombreux espoirs, la crainte que les machines puissent, à terme, dépasser et remplacer l’homme s’est également installée.
Certains voient l’Intelligence Artificielle comme un « toboggan technologique » qui nous conduit dans un monde moins humain. D’autres pensent que l’IA comme toute innovation majeure fera disparaître certaines choses et en créera d’autres comme de nombreux métiers liés à l’IA. Des métiers qui sont amenés à apparaître dans la sphère professionnelle afin de concevoir et gérer au mieux ces intelligences artificielles qui feront parties de notre quotidien.
1/ Si on veut expliquer et vulgariser l’IA à tout le monde, comment la présenteriez vous?
L’intelligence artificielle est relative à l’ensemble des système algorithmiques qui reproduisent, de loin ou de près, l’intelligence biologique dans certaines de ses spécificités.
Si nous prenons la perspective économique, je dirai que l’intelligence artificielle constitue un potentiel de richesse inimaginable pour l’humanité. Elle a cette particularité historique de transformer drastiquement, rapidement et simultanément tous les secteurs de l’économie. C’est la première macro-technologie de l’histoire à avoir cette puissance de transformation. Ceci étant évidemment renforcé par un contexte d’économie mondialisée qui puise dans l’interdépendance, partiellement, une opportunité de développement généralisé.
2/ Vous présentez, dans votre livre, l’IA comme le meilleur espoir de l’humanité, qu’est-ce que cela veut dire ?
Dans un contexte de faible croissance et de tension sociale, l’intelligence artificielle est un relais pour bâtir un nouvel avenir d’espoir. Il est nécessaire de réfuter l’adoption du désespoir ambiant qui mine beaucoup d’esprits aujourd’hui. Nombreuses et nombreux refusent des relais, par l’entremise d’une technologie comme l’IA, alors qu’elle peut être un outil fondamental dans la transformation positive de nos sociétés. Cette attitude ambiante ne permettra pas aux générations futures et à la jeunesse d’aujourd’hui de penser et réaliser un monde meilleur. Rappelons que l’intelligence artificielle n’est rien d’autre qu’un outil sur base duquel nous pourrions refaçonner la société du futur. Bien loin des fantasmes des réalisations cinématographiques à sensation qui conditionnent les esprits, l’intelligence artificielle offre en réalité une opportunité d’inclusion considérable, si nous la développons en parallèle de politiques publiques adéquates et évidemment, autour des valeurs qui façonnent notre vie quotidienne.
3) N’y a-t-il pas un risque de déshumaniser les sociétés ?
Comme je l’explique dans mon livre, l’intelligence artificielle permettra d’humaniser davantage la société. En effet, l’IA est destinée à remplacer tous les corps de métiers dont la principale caractéristique se fonde sur une exécution répétitive et pénible du travail. Ceci nous permet de mieux capturer la configuration future de l’emploi, qui plus que jamais, valorisera les métiers qui nécessitent des interactions sociales et humaines. Autrement dit, des métiers qui requièrent une transversalité, tant représentative de l’intelligence biologique. L’intelligence artificielle est en effet très loin de nous remplacer dans cette dimension. Dès lors, nous laisse-t-elle un boulevard encourageant pour nous humaniser davantage, à condition que nous préparions les individus à changer de cap. Ce qui nécessite un appui colossal de l’État.
4) Enfin et le plus important, c’est que nous savons tous que le recours à l’IA implique une circulation monstrueuse des données, quels risques pour les données personnelles ?
Il est fondamental de protéger les données personnelles de chacune et chacun. J’évoque dans mon livre le projet de déclarer une « Charte Universelle de protection du consutoyen et de développement de l’intelligence artificielle pour l’humanité ». J’ai créée ce néologisme conceptuel de « consutoyen » afin de souligner l’importance de l’acte économique qui se confond de plus en plus avec l’acte politique. Au regard de cette nouvelle tendance, il est important de créer une nouvelle protection pour toutes et tous, conforme à cette transformation. Les données sont déjà aujourd’hui un moteur de développement économique et cela doit se renforcer. Mais il n’est pas souhaitable que cela soit au détriment de la vie privée. Afin de concilier un développement par l’IA et protéger les données personnelles, les pouvoirs publics doivent donner plus de moyens à la justice pour lui permettre d’honorer sa fonction. Si nous mettons en place des politiques publiques qui encouragent le développement de l’IA et un cadre qui protège clairement l’utilisation frauduleuse de nos données personnelles, alors l’inquiétude peut être tempérée.
5) La règle est que l’IA sera du ressort des sociétés scientifiques, cela veut dire, un nouvel outil de domination qui créera de nouvelles puissances, comment un pays comme le Maroc devrait se protéger sans passer à côté de l’opportunité ?
Je pense que tous les États doivent participer au développement de l’intelligence artificielle. Ce qui est intéressant avec cette technologie, c’est qu’il n’y a pas de puissance acquise. Car la donnée a une utilité marginale décroissante. Cela signifie que pour toute donnée supplémentaire traitée, l’effet sur le développement d’une l’IA diminue. Continuellement. Ceci signifie que le besoin en données pour nourrir une intelligence artificielle augmente exponentiellement. Ceci permet de penser que toutes les puissances publiques dans le monde peuvent avoir leur place dans le développement de l’intelligence artificielle. Je suis très partisan d’une collaboration mondiale à ce sujet, car inévitablement, cela permettra d’améliorer la situation de toute l’humanité à travers le globe. Notamment, la question des inégalités socio-économiques peut prendre un nouveau tournant positif. Si on y prête attention. C’est d’ailleurs ma position dans l’un des chapitres de mon livre.