Par Youmni Abdelghani
Le Maroc affiche une excellente maîtrise de l’épidémie, et la propagation et la virulence du virus y sont réduites. L’indicateur de propagation du virus R0<0.7, le confinement a été une des plus brillantes réussites sanitaires, de même que le taux de létalité des plus faibles au monde, moins de 2.6%. Quant à la résilience économique, elle est de moindre niveau et c’est cela qui impose d’innover dans les mécanismes et dans les stratégies de sauvetage et de relance sur le long terme. D’autant que le virus impactera les économies de tailles intermédiaires, les sociétés et la vie des individus pendant 3 à 5 ans.
Le PLF 2020 s’est construit autour de 5 hypothèses désormais réfutées par le Coronavirus
Les analyses macroéconomiques et économétriques nous enseignent que le royaume crée sa croissance économique et de plus en plus en essayant d’y inclure des composantes industrielles locales ou délocalisées, de la consommation des ménages, des dépenses publiques et des crédits de consommation et d’investissement. Que le dirham a montré une surprenante résistance lors de cette pandémie planétaire contrairement aux monnaies des huit pays les plus riches du continent africain à l’instar de l’Algérie, de l’Angola ou du Nigéria, il a fléchi face au dollar vers la fin du mois de mars pour se redresser dès le début mai et se stabiliser face à l’euro et au dollar, cela s’explique par la souveraineté alimentaire du pays et à l’adoption d’un nouveau régime de change basé sur un tunnel de fluctuation de 5% et sur un panier de devises incluant exclusivement l’euro et le dollar.
Le PLF2020 s’est construit autour de 5 hypothèses désormais réfutées par le Coronavirus
- Un taux de croissance à 3.7% qui sera revu largement à la baisse pour cause de sécheresse, de pandémie et de gel du secteur touristique.
- Une récolte céréalière de 70 millions de quintaux, elle sera largement inférieure cette année.
- Un cours de butane à 350 dollars, la baisse du cours est de 22% plutôt bonne nouvelle.
- Un cours du pétrole à 50 dollars, le baril est à moins de 28 dollars, mais la consommation est quasi à l’arrêt.
- Le change du dollar à 9.5 dirhams, notre monnaie s’est dépréciée de 18.7%.
- Une demande internationale : +3.5% nous aurons plutôt une décrue.
Cela change à cause des effets du COVID-19, la récession économique sera de 5%, le déficit budgétaire de 7%, les récoltes céréalières ne seront que de 30 millions de quintaux, les recettes des MRE baissent de plus de 20%. Seules éclaircies conjoncturelle, le butane passe à 270 dollars et le baril de pétrole coté à 42 dollars. Ce qui induira une réduction la facture énergétique.
Toutefois, et en dépit des espérances, les recettes fiscales ont baissé de 17.38%, et 5.49% pour les recettes non fiscales pour une augmentation des dépenses de 3,87%. Ce qui impose à l’Etat de déclencher l’article 77 de la constitution afin de préserver les équilibres des finances publiques. Une acrobatie budgétaire qui, en parallèle, se fixe comme priorités d’éviter les casses sociales causes de pertes de compétences et de gisements d’emplois, de préparer la relance et d’apporter des mesures d’efficience et d’optimisation dans les dépenses publiques. Et ce, en améliorant leur productivité et œuvrer pour ne pas rendre abyssale le niveau des dettes intérieure et extérieure. Pour rendre compte des dégâts subis par l’économie nationale, et plus particulièrement par les métiers locomotives des nouveaux métiers du Maroc, les exportations de l’automobile ont chuté de 89%, de l’aéronautique de 76%, les chiffres d’affaires du bâtiment ont baissé de 76% et les recettes touristiques plus de 70% de manque à gagner en 2020.
Pour enrayer la spirale des déséquilibres et pour préserver les emplois régaliens, cette enveloppe pouvait être prélevée pendant une période de cinq ans en créant une taxe COVID-19 sur les plus hauts revenus
Pour ma part, je retiens dans ce projet de loi de finances rectificative l’opérationnalisation des mécanismes de préférence nationale dans la réalisation des projets de la commande publique, des partenariats public-privé et des contrats de gestion déléguée. En plus de ce volontarisme de protection de l’arbre de l’économie d’intérêt général, cette décision privilégie le concept de substitut-importation pour le secteur public et l’extrapole au secteur privé en relevant le droit d’importation de 30% à 40%. Peut-être protectionniste, cette décision n’a pas pour finalité d’améliorer le niveau des taxes sur les importations mais de préserver l’emploi, réduire le déficit de la balance commerciale et dynamiser la compétitivité et les courbes pas effet d’apprentissage.
Nous pourrions également mettre en avant l’étalement des dépenses liées à la pandémie du Coronavirus « charges à répartir sur plusieurs exercices » et amorties à taux constant sur cinq. Ce mécanisme très vertueux sera adossé au Fonds COVID-19 et il devrait fonctionner comme une soupape de dépenses fiscales qui transformeront les charges sociales liées à la production en produits amortissables qui soutiendra les excédents bruts d’exploitation des entreprises. Cet instrument agira comme une sorte d’exonération des charges dont les effets positifs allégeront les charges pour consolider les bilans et éviter les faillites.
A ces trois mesures phares dans cette loi de finances rectificative, je regrette malheureusement un recul dans l’alinéa consacré aux dépenses de personnel qui vont enregistrer un recul de1.56% des crédits soit plus 2.2 milliards de dirhams. Cette décision conduira au gel des points d’indice de plusieurs milliers de carrières et à la perte de centaines d’emplois publics dans l’Education et dans les services publics ne relevant ni de la Santé ni de la Sûreté. Pourtant, pour enrayer la spirale des déséquilibres et pour préserver les emplois régaliens, cette enveloppe pouvait être prélevée pendant une période de cinq ans en créant une taxe COVID-19 sur les plus hauts revenus, sur les dividendes dépassant un seuil de rentabilité et sur les activités rentières.