La cour antiterroriste en Tunisie a rendu, dans la nuit de samedi, des condamnations sans précédent contre des dizaines de prévenus dans l’affaire connue sous le nom de « complot contre la sécurité de l’État ». Les accusés étaient totalement absents lors de l’audience, provoquant une forte indignation sur le plan des droits humains et des réactions à l’échelle internationale concernant les procédures de jugement.
Les condamnations concernent 40 personnes, parmi lesquelles des politiciens, des militants des droits de l’homme, des avocats et des hommes d’affaires. Les peines varient de 4 à 66 ans. Elles ont été prononcées en présence des détenus et par défaut pour ceux qui sont en fuite ou jugés en liberté.
Parmi les condamnations notables :
– Kamel Latif : 66 ans
– Khyam Turkie : 48 ans
– Nourredine Bhiri : 43 ans
– Issam Chebbi, Jawhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi : 18 ans
– Bushra Belhaj Hamida, Shaima Isa, et d’autres : 33 ans
Les accusations sont lourdes :
– Complot contre la sécurité de l’État
– Organisation d’une bande terroriste
– Incitation à la violence armée
– Mise en péril de la sécurité alimentaire et environnementale
– Tentative de changement du régime par la force
Critiques des procès à distance :
La cour a décidé dès le début de mener le procès « à distance », se basant sur la loi antiterroriste. La défense a rejeté cette décision, la considérant comme une violation flagrante des droits des accusés.
Dalila Msedek, membre de l’équipe de défense, a qualifié l’audience de « secrète ». Elle a affirmé que la cour a interdit la présence des journalistes et des membres de la famille, ce qui constitue une atteinte au droit à un procès public.
Indignation populaire et médiatique :
Dehors, les familles des prisonniers se sont rassemblées lors d’un sit-in réclamant un procès public avec la présence des accusés. Les journalistes ont organisé un sit-in parallèle, dénonçant leur exclusion de la couverture du procès.
Le syndicat des journalistes a déclaré que cette décision « porte atteinte à la liberté de la presse et nuit au droit à l’information ».
Condamnation internationale et interrogations politiques :
Des organisations de défense des droits de l’homme internationalement ont dénoncé ces condamnations, les qualifiant d’injustes. Elles ont dénoncé ce qu’elles qualifient de « manque de transparence et d’intégrité du procès » et accusé les autorités tunisiennes d’utiliser le système judiciaire comme un outil politique pour éliminer les opposants.
Plusieurs rapports internationaux ont souligné que le président Kais Saïed utilise la justice pour étouffer ses adversaires politiques et écarter les voix dissidentes sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Dimensions politiques évidentes :
L’affaire a éclaté en février 2023 et a concerné des personnalités politiques bien connues :
– Issam Chebbi (Parti Républicain)
– Jawhar Ben Mbarek
– Ghazi Chaouachi
– Abdelhamid Jelassi
– Nourredine Bhiri
Dans un silence officiel, les critiques continuent de se faire entendre tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les interrogations grandissent sur l’indépendance de la justice en Tunisie et sur la tendance de l’État à fermer l’espace politique, ouvrant la voie à un resserrement du contrôle de Kais Saïed sur toutes les institutions de l’État.