Dans un contexte de tensions croissantes dans la bande de Gaza, le mouvement Hamas a lancé un appel explicite à ses partisans à travers le monde pour prendre les armes et intensifier les affrontements. Ceci intervient alors que l’armée israélienne a émis un avertissement d’évacuation pour de larges zones dans le sud de la bande, en préparation d’une nouvelle offensive terrestre. Cet appel, formulé par Sami Abu Zuhri, un cadre de Hamas, exhorte à employer tous les moyens disponibles, de la balle à la pierre, pour frapper les intérêts américains et israéliens, tout en avertissant que le silence serait une trahison à la cause palestinienne.
Ce discours belliciste de Hamas suscite des réactions variées, particulièrement dans la région maghrébine, où des voix s’élèvent contre la normalisation des relations, exprimant leur soutien à ce qu’elles qualifient de « résistance légitime » face à ce qui est perçu comme un plan visant à expulser les habitants de Gaza. Dans le même temps, le journaliste marocain Karh Abu Salem considère que l’appel de Hamas est « une voix dans le désert » qui ne produira que davantage de chaos et de sang, soulignant que toute réponse militaire ne servirait que les intérêts des extrémistes et mènerait la région vers un cycle de violence renouvelé. Il avance que le message de Sami Abu Zuhri n’apportera que des malheurs à ceux qui y répondront, et qu’il ne fera pas mieux que les conséquences du 7 octobre, dont les répercussions sont toujours présentes aujourd’hui.
Abu Salem souligne que faire face au plan de déportation des habitants de Gaza ne doit pas passer par l’incitation des peuples contre leurs gouvernements, mais à travers une action diplomatique organisée et efficace. Il estime que céder à cet appel conduira les peuples à un affrontement direct avec des accusations de terrorisme, d’autant plus que plusieurs pays ont classé le mouvement Hamas comme une organisation terroriste, ce qui incitera les régimes à rehausser leur niveau d’alerte sécuritaire. Dans ce cadre, l’ambassade des États-Unis à Rabat a émis une alerte à ses ressortissants les mettant en garde contre la participation ou l’approche des manifestations convoquées par des entités politiques et civiles le dimanche précédent.
Abu Salem rejette la logique de considérer l’usage des armes comme la seule option, faisant remarquer que 77 années de conflit armé n’ont conduit qu’à retarder la paix et à épuiser le peuple palestinien. Il cite plusieurs initiatives politiques qui ont constitué des étapes majeures dans le cheminement vers la paix, des accords de Camp David aux accords d’Oslo et de Wadi Araba, aboutissant au plan de paix abrahamique de 2020, ayant ramené le Maroc et plusieurs pays arabes à la table des relations avec Israël. Il précise que ces initiatives, malgré leurs réserves et critiques, restent le seul parcours réaliste capable d’entraîner un véritable changement dans le conflit israélo-palestinien.
Il insiste sur le fait que l’escalade militaire de la part de Hamas ne servira pas la cause palestinienne, mais compliquera les situations internes et approfondira la fracture entre les Palestiniens eux-mêmes, surtout face à l’absence d’un consensus national sur la représentation du mouvement dans le peuple palestinien, notamment en Cisjordanie. De plus, il souligne que la position du roi Mohammed VI, qui soutient la solution à deux États par le biais de négociations, constitue une base ferme et réaliste pour parvenir à une solution durable et globale au conflit.
Concernant la réaction des opposants à la normalisation au Maroc face au discours de Hamas, Abu Salem estime que leur soutien à ces appels est une surenchère par rapport à la position officielle marocaine, qui est saluée par l’Autorité palestinienne elle-même. Il critique ceux qu’il qualifie de « serviteurs d’agendas illusoires en échange de quelques dirhams », les invitant à sortir de leur « somnolence traditionnelle » et à participer au soutien des efforts de paix plutôt que de promouvoir le désordre et la provocation.
Enfin, s’agissant de l’incident lié à la manifestation contre la normalisation organisée à Rabat dimanche dernier, durant laquelle l’un des conseillers du roi, André Azoulay, a été qualifié de « sioniste », Abu Salem décrit cela comme une dérive dangereuse de la part du mouvement de la justice et de la bienfaisance et du Parti justice et développement, considérant cet acte comme une tentative avortée de faire pression sur l’État et de revenir sur la scène politique. Il affirme qu’il est inconcevable que le roi défunt Hassan II ait nommé un sioniste au sein du palais royal, insistant sur le fait qu’Azoulay est un juif marocain, né à Essaouira, n’ayant rien à voir avec le sionisme et ayant des positions claires contre celui-ci.
Quant à la fatwa récente émise par l’Union mondiale des savants musulmans appelant à un jihad armé contre l’occupation israélienne, Abu Salem argumente que cette fatwa relève des avis sur le jihad défensif, mais omet le chemin de la paix et les alternatives politiques, ce qui l’expose à des critiques même de l’intérieur de l’union elle-même, considérant que la fatwa n’est pas justifiable sur des bases humaines ou politiques.
Le débat autour de l’appel de Hamas et des déclarations d’Abu Zuhri rouvre la discussion sur l’avenir de la résistance palestinienne, les limites de la légitimité dans la lutte contre l’occupation, et les options disponibles pour les peuples arabes afin de soutenir la cause sans sombrer dans le désordre et la déstabilisation interne.