Dans une démarche aux implications stratégiques et souveraines, le Maroc et la France ont signé un accord historique transférant officiellement la responsabilité de la production et de la distribution des cartes maritimes des eaux marocaines de la marine française à la marine marocaine, mettant ainsi fin à des décennies de tutelle technique héritée de l’époque coloniale.
Cet accord, annoncé dans le cadre de ce que les deux parties qualifient de « renforcement de la coopération technique et militaire », met un terme au rôle de la « service hydrographique et océanographique de la marine française » (SHOM) dans ce domaine, ouvrant la voie à la marine royale marocaine pour assumer pleinement ses responsabilités dans la gestion des données maritimes souveraines.
Un grand tournant dans la gestion des eaux marocaines
Pour la première fois, la production et la distribution des cartes maritimes seront effectuées depuis Rabat, représentant ainsi un progrès tangible pour la souveraineté technique du Maroc. Ces cartes, en effet, ne servent pas uniquement à la navigation civile, elles sont aussi des outils essentiels pour la coordination opérationnelle des forces navales, ainsi que pour la protection des ressources naturelles et le contrôle des eaux territoriales.
Jusqu’à présent, ces cartes étaient produites à Paris, empêchant le Maroc de contrôler entièrement leur cycle de production et de distribution, bien qu’il s’agisse d’eaux sous sa pleine souveraineté. La persistance de cette situation témoignait de l’un des vestiges du système de protectorat, même des décennies après l’indépendance politique.
Enjeux géopolitiques et techniques
Cet accord ne se limite pas à un aspect technique, mais s’inscrit également dans une dynamique croissante dans la politique marocaine visant à renforcer la souveraineté nationale dans les secteurs vitaux, notamment ceux liés à la sécurité maritime, à l’énergie et à la protection des frontières maritimes, dans un contexte de tensions régionales et de transformations des rapports de force en Afrique du Nord.
Il intervient aussi dans un cadre de relations maroco-françaises en phase de réajustement, après une période de refroidissement politique au cours des dernières années. Des observateurs estiment que ce rapprochement technique pourrait être le prélude à une convergence politique plus large, notamment après l’ouverture de Paris envers les positions de Rabat sur des dossiers sensibles comme la question du Sahara.
Renforcement des capacités maritimes marocaines
L’accord comprend également des programmes de formation pour les cadres marocains, de transfert d’expertise et de modernisation des systèmes de sondage maritime. Cela permettra au Maroc de développer sa base de données souveraines, de réduire progressivement sa dépendance aux systèmes étrangers et de tirer parti des technologies avancées en matière de navigation, de surveillance des phénomènes marins et d’exploration des richesses sous-marines.
Rabat ne cache pas ses ambitions de devenir une puissance maritime régionale, comme en témoigne l’ampleur des investissements dans l’infrastructure portuaire, la modernisation de la flotte navale militaire et l’intensification de la formation dans les domaines de la défense maritime.