Hommage à l’écrivain Anis El Rafei à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca

Hommage à l’écrivain Anis El Rafei à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca

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Dans le cadre de sa démarche d’ouverture sur les expériences créatives marocaines d’exception, l’Association Forum Shahrazad pour l’éducation et la culture, en partenariat avec l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca, a organisé une rencontre littéraire en hommage à l’écrivain marocain Anis El Rafei, à l’occasion de la parution de son nouveau recueil de nouvelles intitulé « Maristan des Masques ».

Cette manifestation culturelle, tenue récemment dans l’enceinte de l’école, a constitué un moment fort de réflexion autour du parcours singulier de cet auteur considéré comme l’un des principaux rénovateurs du récit bref contemporain au Maroc. L’œuvre d’Anis El Rafei se distingue en effet par son audace expérimentale et ses croisements entre formes narratives et références esthétiques, repoussant sans cesse les frontières du genre.

La rencontre a été coordonnée par le critique d’art Abdellah Cheikh, et s’est ouverte par le mot du directeur de l’Ecole Said Guihia et par une intervention analytique de l’acteur culturel et président de l’association organisatrice, Tayeb Alami Adlouni. Plusieurs chercheurs et critiques marocains ont pris part à cette séance d’échanges, parmi lesquels : Abdellah Belabbes, Imane Razi, Jamal Bendahman, Omar El Asri et Saïd Mountassib.

Cet événement a offert au public une occasion précieuse de dialoguer avec l’univers littéraire d’Anis El Rafei et de découvrir les enjeux esthétiques et expressifs de son projet narratif, qui redéfinit sans cesse les contours de l’écriture, du style et de l’imaginaire.

Dans sa déclaration accordée à notre support médiatique, le critique d’art Abdellah Cheikh a affirmé que l’ascension narrative d’Anis El Rafei résiste à l’enfermement et mise sur le possible, précisant :

> « Le créateur des maqâmât funambulesques n’écrit ni pour rassurer le lecteur, ni pour le divertir, mais pour troubler son confort esthétique, et l’entraîner dans les labyrinthes du récit, au sens shahrazadien du terme. Il ne recherche pas une plénitude apaisée du sens, mais préfère maintenir le texte ouvert à une pluralité d’interprétations — habité par la fragilité, la fragmentation et la différence.

Son écriture ressemble à une pente abrupte, ou à une boîte de miroirs sans fin qui réorganisent sans cesse les reflets.

Ses récits ne sont pas de simples fictions étranges ou des exercices stylistiques ; ils constituent un manifeste narratif dissident, qui proclame une rupture avec l’ordinaire, et propose de concevoir l’écriture comme un laboratoire du doute, de la subversion, et de la refondation du goût.

Dans un monde séduit par la standardisation et dominé par les machines de la marchandisation, l’écriture d’Anis El Rafei demeure un exercice de liberté, une célébration de l’écart, et l’incarnation d’une conscience narrative conçue comme une question sans réponse — mais dont la fonction est d’élargir le vide de la question elle-même.

C’est une écriture qui refuse la complaisance, qui réside dans la marge, qui dialogue avec la précarité, et qui entraîne le lecteur dans la zone de l’incertitude, là où la littérature n’est pas donnée pour être consommée, mais pour être pensée, réinventée comme une voix discrète dans le vacarme du monde, comme un acte intérieur, libre, qui explore le sens dans le non-sens, l’impensé et l’indicible. ».

Les intervenants ont bien affirmé que l’écriture selon Anis El Rafei se présente comme épreuve existentielle et subversion esthétique

À une époque où la littérature tend à être consumée à grande vitesse et vidée de ses puissances esthétiques et existentielles, l’œuvre d’Anis El Rafei s’impose comme un acte de résistance narrative, une écriture alternative qui ne vise pas simplement à produire du texte, mais à affirmer une posture épistémique et esthétique, tendue, fragile, profondément sceptique — au sens d’un doute narratif assumé et sans cesse reconduit.

Rafei n’écrit pas dans les formes conventionnelles du récit ; il les déconstruit de l’intérieur, y installe des failles, y insuffle des tensions. Ses nouvelles ne racontent pas simplement : elles explosent. Elles exhibent leur propre construction, s’éclatent en scènes fragmentées, se déploient comme des miroirs démultipliés où prolifèrent les sens et les contre-sens.
Il n’offre ni personnages stables ni intrigues linéaires, mais des dispositifs narratifs complexes qui font de l’écriture elle-même un champ d’expérimentation, un espace où la langue est mise à l’épreuve de sa propre limite.

Dans ses textes, la nouvelle rejoint le poème, le théâtre flirte avec le délire, la fable populaire croise la métafiction. Le discours narratif s’y entremêle au philosophique, le visuel au verbal, dans un tissage polyphonique qui déroute le lecteur et l’invite à lire comme on explore — et non comme on consomme.
Rafei réhabilite ainsi le lecteur, non comme récepteur passif du sens, mais comme co-producteur actif d’un univers sans clôture.

Ce qui distingue son projet, c’est cette volonté d’inverser les hiérarchies littéraires, de congédier le primat du « sujet » au profit d’une architecture narrative où les sens, l’imaginaire et les ruptures temporelles composent un espace sans repères fixes.
Son écriture évolue dans les zones grises, entre sens et non-sens, beauté et vertige, plaisir et désarroi.
Une écriture qui interroge sa propre légitimité, qui échappe aux catégories, et qui revendique son inachèvement, sa fluidité, son impossibilité à être domestiquée ou figée.

Chez Anis El Rafei, chaque récit devient un manifeste : la nouvelle n’est pas une forme close, mais une question ouverte sur la possibilité même de raconter. Et nous, lecteurs, sommes appelés à dépasser le récit, à marcher vers l’abîme que creuse la parole lorsqu’elle ne cherche plus à rassurer, mais à secouer notre horizon d’attente.

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