Saghrouchni : L’intelligence artificielle menace la vie privée, et la numérisation fait face à deux écarts qui entravent son généralisation au Maroc
La ministre de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, Amal Saghrouchni, a averti de l’augmentation des risques de fraude associés à l’exploitation des données personnelles dans le contexte d’une numérisation accélérée. Lors d’une réunion de la Commission des infrastructures à la Chambre des représentants, le mardi 3 juin 2025, la ministre a souligné que l’intelligence artificielle est capable de reproduire des voix, ce qui accroît les risques de fraude, surtout lorsque des informations simples telles qu’un numéro de téléphone ou une date de naissance sont utilisées pour accéder aux comptes bancaires.
Saghrouchni a alarmé sur la facilité avec laquelle les données personnelles peuvent être collectées via les réseaux sociaux, comme Facebook, relevant que ces vulnérabilités sont exploitées lors d’opérations frauduleuses où des acteurs malveillants se font passer pour des institutions officielles, entraînant ainsi d’importantes pertes financières pour les victimes. Elle a insisté sur le fait que l’utilisation de l’intelligence artificielle doit s’accompagner d’une sensibilisation et d’une compréhension des moyens nécessaires pour protéger les populations vulnérables et les citoyens en général.
La ministre a mentionné le lancement d’initiatives visant à intégrer l’intelligence artificielle dans les services publics, parmi lesquelles le développement d’un "chatbot" vocal sur la plateforme "Idarati" pour aider les citoyens, notamment ceux qui sont analphabètes. Cependant, elle a précisé que l’utilisation de la voix dans ce contexte ne garantit pas la sécurité des codes d’accès, ce qui appelle à la prudence.
Saghrouchni a également souligné l’importance de l’intelligence artificielle dans la vision "Maroc numérique 2030", mettant en avant le lancement de cinq initiatives au cours des sept derniers mois, y compris la création d’une direction spéciale consacrée à l’intelligence artificielle et un pôle régional en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement.
Elle a mis en évidence que la réalisation de la transition numérique ne peut se faire sans s’attaquer à l’écart numérique touchant de larges segments de la société, soulignant l’existence de deux grandes lacunes : la première est liée à l’analphabétisme, à la fois numérique et traditionnel, en particulier dans le monde rural où le taux atteint 47 %, entravant ainsi l’accès de ces populations aux services numériques même en présence d’Internet. La seconde lacune concerne l’inégalité des équipements, car un grand nombre de citoyens continuent d’utiliser des téléphones de deuxième génération malgré le lancement des services de la cinquième génération.
Saghrouchni a déclaré que pour faire face à ces défis, une évaluation réaliste et des critiques constructives tenant compte des disparités d’infrastructure entre les zones urbaines, rurales et montagneuses sont nécessaires. Elle a présenté certaines initiatives gouvernementales visant à remédier à cette situation, notamment des programmes de formation pour les enfants de 8 à 18 ans dans le domaine numérique, ainsi qu’un accord signé avec la Fédération Royale Marocaine de Football pour former 200 000 jeunes, avec un premier groupe de 1 000 formateurs déjà en cours de formation, en collaboration avec d’autres secteurs.
