Une ville qui écoute les pierres : Écriture de l’autre côté du miroir.

Une ville qui écoute les pierres : Écriture de l’autre côté du miroir.

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Une ville qui écoute les pierres : écrire de l’autre côté du miroir

Wail Ihsaïn, dans son ouvrage « Une ville qui écoute les pierres », sort de l’ombre du récit traditionnel pour entrer dans un monde d’écriture contemplative ouverte, où ni l’histoire ni le personnage ne sont au centre, mais la question. Une question sur soi-même, la mémoire, et la ville, vue comme un miroir brisé de l’identité. Ce travail n’est ni une collection de nouvelles, ni un roman, ni un poème au sens esthétique pur, mais un hybride littéraire et existentiel qui échappe à la classification et croise des courants d’écriture philosophique personnelle contemporaine.

Dès les premières pages, il devient clair que l’auteur ne cherche pas à fournir des réponses, mais à ébranler la tranquillité de la lecture et à déconstruire les certitudes du lecteur quant au concept de soi, à travers des interrogations telles que : « Y a-t-il quelque chose de fixe que l’on puisse appeler le soi ? Ou sommes-nous simplement des interactions qui se renouvellent à chaque instant ? » Cette tension entre stabilité et flux accompagne le texte jusqu’à sa conclusion, formant une structure ouverte fondée sur la fragmentation plutôt que sur la cohésion.

La langue ici ne se contente pas de décrire, elle s’insinue profondément ; nous lisons des phrases qui ne sont pas construites pour éclaircir, mais pour écouter l’intérieur : « Le miroir, comme la question, ne te donne pas ton image, mais ce que tu crains d’y voir. » Nous avons affaire à une écriture qui se glisse entre les fissures, fouille dans les identités enfouies et dialogue davantage avec le vide qu’avec la présence.

La cité, en tant que reflet de soi, occupe une place symbolique unique dans le livre. Mellila, Fès, Malaga ne sont pas seulement des lieux, mais des entités vivantes qui parlent par la pierre et portent en elles les interrogations de soi, comme si elles constituaient un miroir intérieur collectif. En y entrant, on ne pénètre pas simplement une ville, mais on franchit le seuil de la mémoire… Des souvenirs qui ne vous appartiennent pas, mais qui vous volent, et dans cette interaction, le soi devient, comme décrit, un projet ouvert qui ne peut être défini que par ses relations avec son environnement, non par son auto-centrage.

Ce que réalise principalement cet ouvrage, c’est de déconstruire la centralité de l’ego traditionnel. Le locuteur n’est pas un seul, mais une « voix composite », échappant à sa certitude, qui reconnaît qu’il ne raconte pas, mais « frissonne », qu’il n’écrit pas pour être compris, mais pour survivre, ne serait-ce que temporairement… « Je cherche non pas pour trouver, mais pour m’assurer que la question est plus précieuse que la réponse. »

« Une ville qui écoute les pierres » est une œuvre créative qui s’écrit depuis le cœur de la fracture, transformant l’errance en valeur existentielle. Ce n’est pas un livre à lire, mais à habiter, à ressentir, pour qu’il continue de travailler en nous de l’intérieur comme un caillou jeté dans le puits de la conscience.

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