De TikTok au cauchemar : l’affaire Chaimaa Haq Haq, ou quand l’innocence devient marchandise Une success story frelatée

De TikTok au cauchemar : l’affaire Chaimaa Haq Haq, ou quand l’innocence devient marchandise Une success story frelatée

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C’est une histoire qui aurait pu ressembler à un conte moderne. Chaimaa Haq Haq, 23 ans, originaire de Berrechid, petite ville marocaine où la précarité est le quotidien, décroche son baccalauréat et s’improvise chroniqueuse de sa propre misère sur TikTok. Sans filtre, sans mise en scène, simplement une jeune femme racontant ses galères. Résultat : des milliers de vues, une notoriété soudaine, et l’illusion d’une porte ouverte sur un monde meilleur.

Très vite, les vautours débarquent. Des réseaux spécialisés flairent le filon : on promet à la jeune fille des voyages, des séjours à Dubaï et en Corée, jusqu’à des papiers de résidence aux Émirats. La success story est lancée, vendue sur les réseaux comme une version 2.0 du « de la ferme au palace ».

Le prince charmant… avec filtre

C’est alors qu’entre en scène Achraf, Marocain installé en Belgique. Il apparaît à Chaimaa à travers l’écran, visage lisse grâce aux filtres TikTok, verbe enjôleur et portefeuille bien garni. Premier transfert : 5 000 dirhams. Une semaine plus tard, la demande en mariage tombe. Et pour sceller l’illusion, Achraf envoie une pluie de « lions » virtuels – l’équivalent de 135 000 dirhams en une nuit.

Que fait une jeune femme, issue d’un milieu rural et confrontée à la pauvreté, face à pareilles attentions ? Elle croit au miracle. Elle croit à l’homme providentiel. Elle croit à l’amour numérique.

Sauf qu’à la première rencontre, au moment de signer l’acte de mariage à Rabat, la magie s’évapore. Derrière l’écran, sans filtre, Achraf n’a rien du prince charmant. Mais l’engrenage est enclenché : la dot virtuelle finance les noces, et le piège se referme.

Nuit de noces ou nuit de violences

Selon les témoignages de Chaimaa et de sa mère, recueillis par une association, la nuit de noces tourne au cauchemar. Les accusations sont glaçantes : viol avec menottes, usage de sex-toys importés de France, hémorragie ignorée, et – comble de l’horreur – scènes filmées et envoyées à des tiers.

On est loin du mariage féérique vendu par TikTok. On est dans un scénario d’exploitation sordide, où la victime n’a rien compris à ce qui se jouait derrière les écrans.

L’association se mobilise

Devant l’ampleur des faits, l’association a décidé de déposer une plainte devant la Cour d’appel, pour :

* viol,
* mariage sans dot réelle,
* escroquerie (une bague à 2000 dirhams présentée comme un diamant),
* exploitation de vulnérabilité,
* et menace d’extorsion via les réseaux sociaux.

La procédure n’est pas encore enclenchée, mais la décision est prise.

Quand l’amour cache le business

Derrière cette affaire, une série de questions dérangeantes surgissent :

* D’où vient l’argent distribué à coups de cadeaux virtuels ?
* Quels réseaux ont mis la main sur Chaimaa, l’ayant baladée entre Émirats et Corée ?
* Achraf voulait-il vraiment une épouse, ou seulement du contenu rentable pour ses followers ?
* Et surtout : jusqu’où iront ces mafias numériques qui transforment les rêves des plus fragiles en cauchemars tarifés ?

TikTok, miroir d’une société en péril

Le cas Chaimaa Haq Haq n’est pas une anecdote. C’est un révélateur. Derrière les paillettes virtuelles, TikTok et consorts sont devenus des machines à broyer, brassant argent douteux, exploitation sexuelle et blanchiment international. Les plus vulnérables – jeunes femmes précaires en quête d’ascenseur social – en paient le prix fort.

Le Maroc doit-il, à son tour, ouvrir les yeux ? Dans plusieurs pays, des enquêtes sur l’exploitation sexuelle et le blanchiment via les plateformes sociales ont déjà éclaté. Le dossier Chaimaa pourrait bien être la première pièce d’un puzzle plus vaste, celui d’un marché parallèle où s’achète et se vend la naïveté.

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