NAJIBA JALAL /
Le « prince rouge » aime se présenter en apôtre de la liberté. Dans les médias, il s’affiche comme un libéral éclairé, nourri de culture occidentale, défenseur infatigable de la critique et du débat. Mais il suffit qu’une remarque le vise pour que le masque tombe : la liberté devient offense, la critique se mue en insulte, et l’adversaire est aussitôt traîné devant les tribunaux.
Voilà toute l’illusion : une liberté à sens unique. Large et généreuse quand il s’agit des autres, étroite et verrouillée dès qu’elle touche son image. Un discours en vitrine, une pratique en coulisse. Comme le rappelait Montesquieu, « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent »: encore faut-il l’assumer, même lorsque ce droit s’exerce contre soi.
Le prince, qui se targue d’avoir été formé à l’esprit critique dans les universités occidentales, refuse pourtant l’exercice le plus élémentaire de ce même esprit : la remise en question de soi. Or, Voltaire le disait sans détour : « Il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes accrédités ont tort ». Le danger, pour lui, n’est pas la vérité : c’est que cette vérité vienne troubler son confort.
Le paradoxe est flagrant : il dénonce les institutions sécuritaires, mais quand un citoyen ose le critiquer, c’est lui qui court se réfugier dans les bras de la justice. Deux poids, deux mesures. Un libéral quand il attaque l’État, un autoritaire quand l’opinion le vise. Tocqueville aurait parlé ici de « tyrannie des susceptibilités », cette tentation d’invoquer la liberté tout en refusant d’en payer le prix.
Et il n’est pas seul dans cette gymnastique. On retrouve la même duplicité chez certains ténors du barreau et du militantisme, tel Abdelrahim Jamaï. Hier défenseur des libertés à tout prix, aujourd’hui avocat contre un simple activiste. Les principes deviennent variables. La cohérence, un luxe.
Au bout du compte, tout ce bel édifice rhétorique s’écroule. La liberté qu’ils brandissent n’est pas une conviction, mais une arme de circonstance. Un outil pour attaquer, jamais pour se laisser interroger.
La vérité est brutale : on ne réforme pas en proclamant des slogans creux. On réforme en donnant l’exemple. En acceptant la critique. En commençant par soi. Sinon, la « liberté » du prince rouge n’est qu’un décor. Une façade. Un mirage.