La directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, a averti d’un déclin sans précédent des règles multilatérales régissant les échanges commerciaux mondiaux. En raison de la politique tarifaire américaine et de l’intensification des tensions géopolitiques, la part du commerce soumise aux règles de l’organisation a chuté à 72 %, après avoir été de 80 % il y a quelques années, un indicateur préoccupant pour une organisation déjà en situation de vulnérabilité.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les États-Unis ont intensifié l’augmentation des droits de douane envers leurs partenaires commerciaux. Cela a conduit à un déclin des échanges selon le principe de la « nation la plus favorisée », qui constitue la base du système multilatéral établi par l’organisation, exacerbant ainsi les tensions entre les grandes puissances. Okonjo-Iweala a déclaré que cela représente « le plus grand bouleversement du système commercial mondial depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Organisation en crise
L’Organisation mondiale du commerce a été fondée en 1995 pour défendre la liberté des échanges, mais elle traverse aujourd’hui une crise existentielle. Ses mécanismes de règlement des différends sont paralysés, et son autorité est mise en doute, tandis que Washington menace de réduire sa contribution d’environ 30 millions de dollars, ce qui constitue une part significative de son budget annuel de 205 millions de francs suisses.
En mars dernier, les États-Unis ont suspendu leur contribution financière, augmentant ainsi les incertitudes quant à l’avenir de l’organisation, longtemps considérée comme garante de la stabilité du commerce mondial.
Indicateurs contrastés
Malgré ce contexte, le commerce mondial a connu un rebond au cours du premier semestre 2025 grâce à ce que l’on appelle la « concentration préventive des marchandises », incitant l’organisation à relever ses prévisions de croissance de 0,2 % à 0,9 % pour l’année.
Cependant, Okonjo-Iweala a averti que les effets des droits de douane pourraient se manifester clairement à partir de 2026, lorsque les stocks accumulés seront épuisés. Cela signifie que l’essor actuel pourrait n’être qu’une pause avant une nouvelle phase de ralentissement.
Un chemin étroit pour la réforme
Face à cette situation, la directrice générale tente d’initier une dynamique réformatrice. La Chine, souvent accusée de soutien excessif et de pratiques déloyales, a montré sa volonté de discuter de ses politiques industrielles, ce qui pourrait ouvrir la voie à un règlement. De nombreux États membres, tels que le Royaume-Uni, l’Australie et les Émirats, appellent à un rééquilibrage des règles et à une réduction des obstacles procéduraux.
Des progrès concrets devraient être enregistrés dans le dossier de la pêche, puisque l’accord conclu en 2022 pour réduire le soutien public à ce secteur est sur le point d’entrer en vigueur, ne manquant que la ratification de trois pays. Si cela se concrétise, il s’agira du premier accord multilatéral adopté par l’organisation depuis 2017.
Okonjo-Iweala, qui a entamé son second mandat à Genève, a déclaré : « J’ai fini avec le pessimisme et j’en ai fini avec la peur », soulignant qu’elle mise sur un engagement collectif pour restaurer la crédibilité d’une organisation qui semble, après trois décennies d’existence, engagée dans une lutte pour sa survie.