À Essaouira, ville de rêve où l’air transportait autrefois des parfums de sel et de musique, où la cité savait écouter la mer… le sable s’est mis à murmurer.
Il n’est pas venu en tempête, il n’a pas frappé les portes avec violence.
Il s’est installé lentement, sournoisement, comme une fatigue ancienne qui revient hanter les rues.
Le sable rampe. Il ne recule plus.
Il envahit les ruelles, s’infiltre dans les pas, grimpe sur les façades, recouvre les enseignes et les bancs publics,
et transforme les trottoirs en dunes orphelines.
La place des artistes n’est plus qu’un mirage enseveli sous des vagues poussiéreuses, image d’un abandon criant.
Ce n’est plus une simple caprice de la nature.
C’est un désastre environnemental annoncé, une agonie lente à ciel ouvert,
dont les responsables ne peuvent plus détourner les yeux.
Les commerces ferment, les touristes s’éclipsent, les habitants, las, balayent le sable chaque matin… pour mieux le retrouver le soir.
Les vents du « Charki » continuent de souffler,
la terre s’assèche, la végétation disparaît,
et la ville, nue, sans barrières, sans arbres protecteurs, livre ses entrailles à l’invasion granuleuse.
Et pendant ce temps-là…
Le silence institutionnel est plus assourdissant que la tempête.
Les interventions ?
Trop rares, trop tardives, trop superficielles.
Pas de plan intégré, pas de vision écologique, pas même une levée de conscience.
Où sont les élus ?
Où est la commune ?
Que fait le ministère de l’environnement ?
Pourquoi ne plante-t-on pas des espèces résistantes ? Pourquoi ne dresse-t-on pas des haies naturelles ?
Pourquoi laisse-t-on les places ouvertes sans protection ni revalorisation ?
Essaouira ne demande pas la charité.
Elle réclame une stratégie, une écoute, une volonté.
Ce n’est pas le sable le coupable.
C’est l’oubli. C’est l’indifférence. C’est l’absence de réponse.
Et si demain, la ville disparaissait sous une mer de grains dorés…
que dira-t-on ? Que ce fut la faute du vent ?
Essaouira mérite mieux.
Elle mérite d’être protégée, aimée, pensée.
Le temps presse.
Le sable avance.
Et l’Histoire regarde.