Monsieur le Ministre d’Etat,
Aujourd’hui, la communauté internationale commémore la journée internationale pour la protection des journalistes et la fin de l’impunité. Cette journée a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies lors de sa 68ème session, en 2013 par la Résolution A/RES/68/163, qui proclame le 2 novembre « Journée Internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes ». Cette résolution qui a été adoptée aussi par le Maroc, a exhorté les Etats Membres à mettre en place des mesures précises afin de lutter contre la culture d’impunité.
En ce 2 novembre 2020, journée internationale contre l’impunité pour les crimes contre les journalistes, le Centre for Media Freedom (CMF) vous sollicite de mettre en œuvre un mécanisme national de protection des journalistes en conformité avec l’article 7 par. 4 de la loi sur la presse et l’édition de 2016 qui engage les autorités publiques : « … à mettre en place des garanties légales et institutionnelles aux fins de protéger les journalistes contre toute agression ou menace lors de l’exercice de leur profession. » Cet article n’a jamais été activé, et à la place d’un mécanisme transparent et de gouvernance multipartite, le gouvernement déclare avoir installé une coordination interministérielle effective.
Monsieur le Ministre d’Etat,
Dans une communication sur la sécurité des journalistes au Maroc, envoyée le 2 février 2017, par la mission permanente du Maroc à Genève au Haut-commissariat aux droits de l’homme à la demande ce dernier, il est énoncé que le gouvernement marocain a pris les mesures suivantes : La désignation depuis le 28 avril 2014 de l’inspection générale du ministère de la communication pour recevoir à travers le site E-réclamation les plaintes déposées par des journalistes pour d’éventuelles agressions perpétrées lors de l’exercice de leur métier ; le transfert automatique des réclamations aux autorités compétentes ; et l’instauration d’une commission interministérielle tripartite (Communication, Intérieur et Justice) pour un meilleur traitement des réclamations.
Le CMF regrette le fait que cette coordination interministérielle, depuis son installation, est restée invisible et n’a enquêté sur aucune plainte déposée par les journalistes, directement par eux/elles-mêmes ou à travers le SNMP, donc aucune procédure disciplinaire n’a été engagée contre les responsables des agressions des journalistes, ce qui encourage l’impunité que les autorités publiques ont maintes fois déclaré combattre dans les instances internationales des droits de l’homme.
Monsieur le Ministre d’Etat,
Le CMF pense qu’il est urgent que la coordination interministérielle sur la protection des journalistes soit radicalement revu, et propose que votre Ministère s’inspire du Plan d’action des Nations unies sur la protection des journalistes et la question de l’impunité de 2016 qui a été adopté par plusieurs pays, et qui propose une approche holistique qui prend en compte, entre autres, la révision de l’environnement juridique qui limitent la liberté d’expression des journalistes ; la sensibilisation des journalistes, des juges et les forces de sécurité, et le public en général. Cette approche devrait inclure une protection à toute personne qui exerce l’activité du journalisme de façon régulière, et pas seulement aux détenteurs de la carte de presse ; et que celle-ci couvre aussi les agressions et les menaces provoquées par des acteurs non-étatiques hors ligne comme en ligne.
Le CMF invite votre Ministère, dans le cadre de son PLAN D’ACTION NATIONAL EN MATIÈRE DE DÉMOCRATIE ET DES DROITS DE L’HOMME 2018-2021, et en particulier du Sous Axe III : LIBERTE D׳EXPRESSION, DE L׳INFORMATION, DE LA PRESSE ET LE DROIT A L’INFORMATION de :
- Conduire une évaluation transparente sur le cadre institutionnel interministériel existant, que la mission permanente du Maroc à Genève au Haut-commissariat aux droits de l’homme a déclaré son opérationnalité depuis le 28 avril 2014 ;
- Initier une consultation élargie avec les journalistes, les éditeurs et la société civile, ainsi que les autorités publiques concernées par la question en vue de la préparation d’un plan d’action nationale de protection des journalistes conforme au plan de l’UNESCO.
Saïd Essoulami, Président du CMF