Les divergences sur les règles relatives au déroulement des élections deviennent chroniques au Maroc à la proche de chaque échéance électorale . L’ensemble des partis politiques y trouve l’occasion pour exprimer des positions analysées souvent à l’aune d’une carte politique évolutive et d’aspirations particulièrement liées au nombre des sièges à obtenir lors des opérations électorales. Si l’idée de revoir quelques aspects du régime électoral à la veille d’élections aussi cruciales que celles des représentants de la nation peut être admise, l’importance de les inscrire dans les choix fondamentaux que préconise un tel régime s’impose avec éclat. Le cas de la modification du quotient électoral en est l’exemple concret. L’idée de lui apporter des modifications en perspective des futures élections de la Chambre des représentants fait l’objet de divergences politiques extrêmes. On y voit un moyen afin de permettre une meilleure prise en compte par le régime électoral de l’accès des petits partis politiques aux mandats électoraux et par la sorte une plus grande représentativité au sein des institutions élues.
Le quotient électoral, une question de représentation politique
Le régime que propose le projet de loi organique relative à la Chambre des représentants dans son article 84 tient à modifier les opérations de calcul du quotient électoral. Ce dernier s’avère comme l’indice de répartition des sièges entre les différentes listes candidates aux élections. Le projet propose que le quotient électoral ne soit plus obtenu grâce à la division du nombre des bulletin valablement comptabilisés sur le nombre des sièges à pourvoir par les listes en compétition mais en tenant en compte le nombre des personnes inscrites aux listes électorales. Le quotient électoral, ce faisant, a tendance à augmenter conduisant automatiquement à une prétention de la part d’un plus grand nombre des listes de bénéficier de quelques sièges. Une plus grande représentativité des partis politiques semble se dessiner à l’horizon des futures élections législatives. Le régime de fixation du quotient électoral en vigueur additionné au seuil des voix à obtenir afin de prétendre à la répartition des sièges entre listes en compétition, dont le taux était fixé à 3%, constituaient des barrières de taille pour certains partis afin de bénéficier de sièges au sein de l’institution législative. L’objet du nouveau régime, se traduisant par la modification des modalités de détermination du quotient électoral ainsi que la suppression du seuil qu’imposait la loi organique relative à la Chambre des représentants, tient à un accès plus grand à la représentation politique nationale.
Le quotient électoral, simple détail technique à la base, semble devenir un enjeu majeur des élections législatives de 2021. Il a pour vocation de permettre une meilleure représentation de la société marocaine au sein de la Chambre des représentants. Le multipartisme en sortirait plus favorisé. Une meilleure prise en compte de la diversité de la société marocaine et de son pluralisme en serait l’objectif principal.
Place des principes constitutionnels
Faisant des principes de participation et de pluralisme les fondements pour la constitution des institutions de l’Etat, la constitution de 2011 insiste sur le régime de représentation pour le faire. Pour y parvenir, les élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique. Les règles de la mise en œuvre d’un tel principe relèvent de la compétence du pouvoir législatif selon son article 62. Le projet de loi organique relative à la Chambre des représentations se propose, pour ce faire, de revoir quelques unes des règles du régime électoral en vigueur, notamment celui portant sur le quotient électoral. La modification du quotient électoral traduit au fond l’admission d’un pouvoir d’appréciation des règles relatives aux élections que seul le Parlement peut décider. Le débat s’y attachant ne doit s’exprimer qu’au sein des institutions représentatives et tient en compte l’exigence de traduire les principes constitutionnels. Les règles relatives au quotient électoral s’inscrivent dans l’objectif d’une meilleure prise en compte de la volonté générale dans le respect des principes qu’impose le constituant.
Une plus grande prise en compte de l’égalité devant le suffrage assurée
Le principe de l’égalité devant le suffrage est un principe fondamental qui s’impose à l’opération de découpage électoral. Les circonscriptions électorales doivent s’inscrire dans la logique démographique pour correspondre logiquement à une corrélation entre le nombre d’électeurs et celui des sièges qui leur sont consacrés. Plus ce principe est pris en compte, mieux la mise en œuvre de l’égalité entre les citoyens est assurée.
L’admission du nouveau quotient électoral aurait au moins l’avantage d’une meilleure prise en compte des divergences démographiques qui caractérisent les circonscriptions électorales. Le régime appliqué au Maroc depuis quelques années n’offre nullement les garanties d’une meilleure prise en compte du principe fondamental de l’égalité devant le suffrage. Si le régime du découpage des circonscriptions électorales tend à atteindre un tel objectif du fait qu’il prend en compte le nombre de la population de chaque circonscription avant d’éviter les grandes distordions entre elles, le quotient électoral dans sa formule actuelle peut conduire à consacrer des inégalités. Elle est question plus particulièrement d’inégalité de représentation entre circonscriptions à forte participation politique (Cas des provinces du Sahara marocain qui connaissent traditionnellement une forte participation lors des différentes échéances électorales) et circonscriptions urbaines de grandes densités démographiques qui connaissent souvent un taux d’abstention assez important (cas des grandes agglomérations du Royaume). Le nombre des voix ouvrant droit à des sièges est censé être mieux équilibré en tenant compte de l’application de la même règle au niveau national. L’idée qui se dégage d’un tel argument est que la répartition des sièges en fonction des inscrits aux listes électorales donnerait lieu à un quotient électoral homogène et semblable entre les différentes circonscriptions électorales du Royaume.
Le quotient électoral , Abadan des veilles aspirations pour un scrutin majoritaire
Cette question du mode de scrutin ne semble plus soulever des divergences entre les partis politiques. Le scrutin de liste à la représentation proportionnelle n’a plus de contestataires pour les élections de la Chambre des représentants. Le scrutin majoritaire n’est plus revendiqué comme c’était le cas il y a quelques années. Il faut insister, en analysant cette option pour l’élection à la proportionnelle, les objectifs qu’elle tend à atteindre, notamment une plus grande représentation de l’ensemble des sensibilités politiques. La modification du quotient électoral, admis exclusivement dans les élections à la proportionnelle, s’inscrit dans l’objectif de permettre une plus grande prise en compte de la nécessité d’assurer la représentation des partis politiques au sein de l’institution législative. Le cas est surtout valable pour les formations politiques n’ayant pas pu acquérir des votes massifs de la part des électeurs, notamment dans la circonscription nationale revue dans le nouveau régime selon un découpage régional. Notre vie politique ne semble plus adaptée à un bipartisme accentué que le scrutin majoritaire tend à consacrer. Le contexte de transition démocratique suppose des consensus de la part des acteurs politiques ainsi qu’une grande prise en compte de leur diversité pour y parvenir. La question du quotient électoral doit être inscrite dans cette logique que tend à mettre en avant le régime de l’élection à la proportionnelle.
Tarik ZAIR
Professeur universitaire