Imaginons un moment. Un jeune homme de 16 ans dans un stade de football. Il n’est pas là en tant que ramasseur de balles. Il est entouré par des grands joueurs. Mais, il n’est pas là non plus pour prendre des photos avec ces « cadres ».
Ses jambes doivent trembler. Son cœur doit battre la chamade. En ce moment, on ne peut savoir exactement à quoi il pourrait penser. Toutes les idées pourraient foisonner à son sujet, quant à son état d’esprit, et comment va-t-il aborder une aussi grande épreuve.
Parcours…
Nous sommes en 1976. Aziz Bouderbala, parce que c’est de lui qu’il s’agit, fait ses premiers pas en équipe A du grand club Casablancais, le Wydad.
Le natif de la vieille Médina en 1960 a, tout simplement, « grillé » les catégories. Et s’il avait avalé les marches, c’est qu’il en avait dans les jambes.
Or, quand on revient avec lui sur cette période, Aziz en parle sans emphase.
Comme tous les enfants de sa génération, sa relation avec le ballon rond remonte à sa tendre enfance.
A l’époque, se souvient-il, il y avait deux, voire trois terrains de proximité, la plage et un grand espace relevant de la Grande Foire que tous les enfants des quartiers avoisinant envahissaient, nuitamment, chaque deux années. Bouderbala en faisait, bien évidemment, partie. Et c’est, certainement, ses prestations qui lui ont valu de « partir de la rue pour atterrir dans l’équipe première ». Le jeune homme fait, très vite, ses preuves et se retrouve, à 17 ans, dans l’équipe nationale du Maroc.
Malgré les soucis exprimés par feue sa maman, le papa est décédé en 1976, Aziz s’investit corps et âme dans sa passion.
Question de passion…
Quand on lui signifie que c’était un « énorme risque en ce temps là », Aziz enchaîne : » Certes, d’autant plus que la pratique footballistique n’a rien à voir avec ce qui est de cours aujourd’hui. Mais, il fallait faire un choix. J’ai fait le mien sans réellement y réfléchir ! ». La voix de la passion a pris le dessus. D’ailleurs, confie-t-il, « la passion a toujours prévalu que ce soit dans ma carrière, dans ma vie familiale, personnelle ou sociale ».
Le jeune homme, qui adorait le cinéma, la musique et le théâtre, qui est passé par le Conservatoire, fait de la passion sa lanterne ! « Ce sont mes passions qui ont construit ma personnalité !, résume Bouderbala.
D’ailleurs, il trouve un joli parallèle doublé d’un fin fil conducteur entre celles-ci: Pour lui, jouer un match était pareil à jouer un rôle dans une pièce de théâtre. « Un match de football est un spectacle. Et quand tu rentres sur une pelouse, devant des milliers voire des dizaines de milliers de spectateurs, tu dois être à la hauteur. Parce que le défi est de ne pas s’attirer l’ire du public, mais de faire en sorte de provoquer ses applaudissements », dit-il. Comme s’il revoyait un public en délire sur les gradins, Aziz fait une pause et lance : »Magnifique est ce moment quand ton public exprime sa satisfaction par un tonnerre d’applaudissements. Indescriptible ! ». Le joueur à la jambière blanche légendaire, qui aurait pu entamer, à l’âge de 21 ans, sa carrière professionnelle dans l’écurie italienne de l’Inter de Milan, a vécu les mêmes sensations, avec la même ardeur à Sion (en Suisse), avec le Matra Racing à Paris où encore lors de son passage dans l’Olympique lyonnais, chez Estoril au Portugal ou du côté de Saint-Gall en terre helvétique. Le tout avant de mettre fin à sa carrière dans la famille Wydadie. Bouderbala avait 36 ans.
Aziz l’encadrant…
Deux décennies pleines en somme, mais dont l’apogée, comme les internationaux marocains de sa génération, a été le Mondial mexicain de…1986.
Aziz s’en remémore comme si c’était hier. Une équipe nationale, dit-il, que personne n’attendait et qui avait fait la grosse, et néanmoins »méritée », surprise en se classant première de son groupe. Pas n’importe lequel, rappelle Bouderbala, puisqu’il comptait la Pologne, l’Angleterre et le Portugal. Une équipe d’autant plus solide, analyse celui dont le premier match à l’international remontait à 1978, du fait d’une ossature où l’on retrouvait plusieurs cadres. Une formation aussi dont la force résidait en chaque maillon cimentée par un esprit de groupe.
Un long parcours qui a induit son lot de succès, de déceptions aussi, mais surtout d’expériences. Arrivera une période d' »éclipse » quasi-total. Huit années, précise Aziz. Une période, installé en Suisse, qu’il avait consacré à ses enfants et sa formation. Du coup, il passe à la phase « partage ». Notamment, en se mettant à la disposition de la « maison mère » où il assurera la direction technique, puis auprès de la Fédération lorsqu’il se voit confier la mission de directeur sportif de l’équipe nationale. Et si, à un moment donné il devait s’occuper de la mise sur pied du Centre de formation de la Renaissance de Berkane-un projet qui n’avait pas abouti-, le voilà de retour. Aziz Bouderbala vient, en fait, de prendre la Direction sportive du Difaa d’El Jadida. Un projet d’envergure qui entre dans le cadre de la nouvelle stratégie de développement du secteur footballistique de Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football. Aziz y croit dur comme fer. Surtout, dit-il, que tout le monde devra s’aligner pour réussir le pari d’un développement sain, inclusif et pérenne de la pratique. L’objectif ultime, entre autres, étant que le Royaume soit la locomotive du football au niveau du Continent africain.
Celui qui rêvait d’enseigner la musique, qui avait côtoyé les grands noms du football comme de la scène artistique, a de nouvelles partitions à jouer.