Hassan Benjelloun, le cinéaste qui veut « semer le bonheur » autour de lui…

Hassan Benjelloun, le cinéaste qui veut « semer le bonheur » autour de lui…

- in Portraits décalés
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Quand on entend son nom, ça fait forcément penser à un certain nombre films. Lui, il n’est pas acteur. Il ne joue pas des rôles. Il fait jouer des rôles. Il n’est pas marionnettiste pour autant, parce qu’il croit en celles et ceux, « des personnes extraordinaires », avec qui il a travaillé ou avec qui il travaille.

Il a toujours eu à faire à des actrices et des acteurs. Les idées trottaient dans son for intérieur et il rêvait de les traduire. En mots d’abord. En images, ensuite.

Scènes et scènes…

Son nom est souvent lié à « La fête des autres », début des années 1990.
En tous cas, pour moi. Et pour plusieurs raisons dont je ne retiens que la projection du film pour le compte du Ciné Club de la Faculté de lettres de Ben M’sick Sidi Othman. C’était dans le cadre d’une dynamique. Une grande dynamique où on parlait d’ouvrir la faculté sur son environnement. Avec un nom qu’on ne peut « esquiver »: j’ai nommé le doyen Hassan Smili.

Mais, c’est d’un autre Hassan qu’il s’agit : Hassan Benjelloun. Le cinéaste dont la vie et le parcours ressemblent à un film.
Plantons le décors avant de décliner les séquences.

Hassan Benjelloun ? Le nom de famille renvoit à Fès. Hassan est né à Settat en 1950.
Quand on provoque sa mémoire, il répond très simplement: « Je suis né dans une ville qui était, en fait, un vrai carrefour ». Pas uniquement, de par sa position sur la carte du Maroc, mais surtout au niveau de sa population. Hassan se rappelle qu’en 1956, la ville comptait, pratiquement à parts égales, 25.000 habitants dont des Juifs, des Français, des Imazighens, des Fassis et des originaires de la ville et ses environs. « Une sorte de synthèse de ce que comptait le pays », résume-t-il. Et d’en déduire : »J’ai grandi et vécu dans la tolérance, la paix et l’amour ».

Celui qui ne cesse de répéter que sa raison d’être est de semer le bonheur autour de lui est tombé très tôt dans la « passion du récit ». L’enfant Hassan fréquentait beaucoup les halqas de Settat. A peine les cours terminés, il prenait sa place dans le cercle autour du conteur, des conteurs.

Le récit est dans la vie

Les récits, qu’il préfère qualifier de feuilletons, induisaient des « constructions ». « On imaginait les décors, les costumes, les guerres, les scènes d’amour et les personnages au détail près ». Autour du conteur, ils étaient nombreux à suivre les histoires, mais chacun construisait, suivant les descriptions et la narration, son propre récit. Sa propre histoire qu’il portait chez lui. Et même à la maison, les récits n’en finissaient pas.

Le « producteur » de contes

En fait, c’était au temps où les voix des grands-mères et des mères accompagnaient les enfants jusqu’à ce que sommeil s’en suive. Autant dire qu’on est en plein dans la fertilisation de l’imaginaire et de l’imagination.
Or, à l’internat, l’amateur de l’art de raconter n’était plus un simple consommateur de contes. Par la force des choses, il en est devenu producteur ! Benjelloun se souvient : »A l’internat, il y avait toujours du monde autour de moi. Je racontais des histoires que j’assaisonais avec plein d’ingrédients pour séduire mon auditoire ». Hassan devint conteur ! Le même scénario se reproduit, après, quand il partira pour poursuivre ses études au lycée à Kénitra.

Parcours faisant, le cinéaste n’omet pas de rappeler l’apport de ses instituteurs comme de ses professeurs. Notamment, dans l’initiation des élèves et des étudiants pour le cinéma et la lecture. Sans oublier, non plus, l’importance que revêtaient, en ces temps-là, les cinés clubs. Dans la petite ville de Settat, il y en avait deux et à Kénitra encore plus. Benjelloun, qui aimait voir des films, était sans surprise un « abonné » de cet environnement qui le séduisait autant par les images que par les débats autour des films.

Le pharmacien féru du cinéma

Son baccalauréat scientifique en poche, on est en 1965, Hassan aurait voulu poursuivre des études qui rimeraient avec sa passion cinématographique. Son père ne l’entendait pas de cet oreille. L’enfant finit par décider de faire plaisir à son papa. Il est à Caen où il décroche, en 1976, son diplôme de pharmacien. Trois ans plus tard, après deux années de service civil au sein de la faculté de médecine de Casablanca, l’officine de Hassan Benjelloun a pignon sur rue dans sa ville natale.
Mais, ce n’est pas pour autant que le cinéphile met sa passion au placard. D’ailleurs, le cinéma a toujours fait partie de sa vie estudiantine, puisqu’il était animateur dans une salle de cinéma en France.

On peut faire plaisir à son père et soi-même !

Nous sommes en 1980. Le pharmacien est de retour à Paris. Il s’inscrit au Conservatoire Libre du Cinéma Français. Il en sortira, quatre ans après, avec le diplôme de réalisateur. C’était, pour lui, une question de « gestion du destin ». Et où il fallait gérer le temps, les moyens et les facultés intellectuelles. Contrairement à l’adage, Hassan a pu faire plaisir à son père et à lui-même !
Après une année de stage entre une boîte de publicité et la chaîne France 3 qui venait de voir le jour, le réalisateur revient au bled. Lui qui avait la possibilité de rester dans l’Hexagone, voire partir au Japon. Hassan fait le choix du cœur. Avec l’envie d’exercer sa passion. Ou plutôt ses passions. En fait, pour lui la pharmacie et le cinéma sont complètementaires.

Avec toujours le même principe de vie qui est le sien : semer le bonheur autour de soi en essayant de rendre heureux autrui ! Peut-être qu’il y a un lien de parenté entre servir un médicament pour calmer une douleur ou la guérir et une scène qui fasse rire ou pleurer ou encore faire réfléchir.

D’ailleurs, on retrouve ces sentiments dans tous ses films depuis ‘La fête des autres  » où il avait attaqué la problématique des diplômés chomeurs. C’était son premier long métrage et qui n’est pas passé inaperçu. Voire qui lui avait créé quelques ennuis à l’époque ! Une autre paire de manches.

Hassan Benjelloun restera, après l’expérience du fameux Groupe de Casablanca, fidèle à lui-même. Dans sa filmographie, le cinéaste touchera à plusieurs thématiques de préoccupation commune : la cause des femmes, les années de plomb, l’immigration clandestine et j’en passe ! Quand on lui dit qu’il s’agit de « sujets à la mode » selon les périodes, Hassan répond en « Mode Interrogation »: « Quelle mode ?! ». Et d’ajouter : » Je n’ai jamais suivi une mode. Je suis créateur de mode ! ».

Chantiers ouverts…

En définitive, le cinéaste, qui ne fait aucun ‘ranking affectif’ quant au rapport qu’il a avec ses « créations », poursuit sur sa lancée. Ainsi, outre un documentaire sur l’artiste qui, dans les années 1970, avait initié la fusion Jazz-Gnawa, Jauk Elmaleh, Benjelloun est dans un chantier de long métrage, « Habiba », une sorte d’histoire d’amour sur fond de confinement. Et en septembre, ça sera le premier coup de manivelle de « Jalal Eddine ». Un long métrage, à coup sûr, au souffle soufi.

L’homme qui croit en un avenir encore meilleur du cinéma marocain, qui apprécie à leur juste valeur les efforts consentis pour la promotion de ce secteur, a néanmoins un pincement au cœur quand il pense à l’hémorragie des salles obscures.

L’imagination en veille permanente, Hassan Benjelloun a encore d’autres récits à raconter !

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