Christian Harbulot: “L’objectif d’Amnesty International est de contribuer à affaiblir le Maroc de l’intérieur”
Dans un entretien à Atlasinfo.fr, le spécialiste français en intelligence économique, Christian Harbulot, analyse la manière dont les Organisations non gouvernementales sont instrumentalisées pour accompagner les stratégies de formations politiques et de lobbies économiques. Pour le directeur de l’Ecole de Guerre Economique, la seule riposte possible est de mener une “guerre de l’information”. Son objectif est d’alerter les opinions publiques sur la réalité du fonctionnement de ces ONG.
Amnesty International a publié deux rapports en moins d’un an sur le Maroc pour tenter de le discréditer en matière de droits de l’homme et de protection des journalistes. Comment expliquez-vous que le Maroc soit dans le « viseur » de l’ONG ?
Christian Harbulot : vous savez, ces ONG professionnelles font des choix qui interpellent. D’ailleurs nous-mêmes, nous leur avons posé des questions sur le choix des actions qu’elles mènent. Nous pourrions faire une liste assez longue de leurs contradictions notamment sur ces choix. Pourquoi certains pays et pas d’autres ? Pourquoi telle multinationale ? Pourquoi accepter de l’argent de bailleurs de fonds en relation avec des activités économiques concurrentes ? Que devient le cadre éthique affichée par l’ONG ? On ne peut pas en effet être une ONG qui « s’auto-missionne » pour dénoncer un scandale et en même temps accepter de l’argent de lobbies économiques qui profitent de ces attaques pour affaiblir leurs concurrents. Nous sommes sur des zones très floues car plus les flux financiers sont importants, plus les jeux sont subtils. Pour préserver leur éthique, ces organisations doivent tout simplement refuser cet argent mais, hélas, elles ne le font pas.
Ce sont des questions dérangeantes parce qu’elles posent la question du choix des campagnes d’actions de ces ONG, qui sont dans une logique de préserver une posture de « bonne conscience » et éviter ainsi que ne soient posées les vraies questions de fond.
De ce que vous dites, ces ONG ne sont pas instrumentalisées et elles savent où elles mettent les pieds ?
S’agissant de Amnesty International, ce n’est pas parce qu’elle se présente comme une organisation non gouvernementale qu’elle n’est pas manipulée de l’intérieur par des groupes d’individus. Certaines personnes de bonne foi qui versent des dons à Amnesty pensent que c’est une superbe ONG parce qu’elle a un marketing accrocheur. Malheureusement, ceux qui croient sincèrement aux valeurs de droits de l’homme et ceux qui sont sensibles aux actions d’Amnesty, ce sont eux qui sont instrumentalisés.
Ils écoutent des discours et en font une lecture au premier degré et ne cherchent pas à entrer dans la contradiction ni à cerner la complexité du problème. Il y a un véritable travail à entreprendre pour rétablir la vérité et dénoncer ce système qui se présente comme étant éthique et en faveur de la veuve et de l’orphelin. En effet, les gens pensent qu’Amnesty défend les victimes, les opprimés et à partir de cette posture savamment cultivée, tout le monde les écoute. C’est tellement facile d’avoir cette position.
Vous décrivez une image qui n’est pas connue, même si dans les milieux politiques et au sein de la société civile, beaucoup partagent votre analyse. Comment porter cette réalité auprès du grand public ?
Il faut mener une véritable guerre de l’information. Ce n’est pas parce que ces ONG ont acquis ce positionnement qu’elles sont si fortes que cela, au contraire. Quand on commencera à travailler en profondeur sur leurs points faibles, leurs contradictions, leur hypocrisie et qu’on les rendra publics, je peux vous assurer qu’elles seront beaucoup moins fortes, car leur plus grande faiblesse est de se croire inattaquables. Cette guerre de l’information peut être redoutable si elle est bien menée. Cela ne doit pas rester un vœu pieux.
Je peux vous dire qu’en dehors de l’aspect purement financier lié à leurs bailleurs de fonds, il y a d’autres points faibles pour les contrer. Il faut juste appuyer sur le bouton. Je ne peux pas en dire plus pour le moment car c’est très sensible.
Vous dites que cela dépasse l’aspect purement financier. Est-ce que vous faites allusion à ce point de rencontre entre intérêts économiques et intérêts politiques ?
Les collusions politiques et économiques sont avérées avec la montée en puissance de la stratégie de déconstruction prônée par le Parti Démocrate américain et son élite qui représente les intérêts du monde des affaires aux Etats-Unis. Je vais tenter de vous expliquer ce dont il s’agit précisément.
Auparavant, le Parti Démocrate défendait les petites et moyennes classes américaines. Aujourd’hui, il a changé d’approche. Sa plateforme politique est basée sur la défense d’un modèle de société dans lequel, par exemple, la défense des minorités, la politique migratoire ou encore les « mouvements citoyens », l’exemple des Printemps arabes, seraient les moyens d’atteindre une « déconstruction de la société traditionnelle » quelle que soit la matrice des pays. En somme, tout ce qui touche de près ou de loin les valeurs sur lesquelles ont été créées les sociétés. Derrière cela, il y a un projet politique. Il a été largement conceptualisé et accompagné par un homme comme George Soros et son rêve de « société ouverte ». Le programme du Parti Démocrate américain est aujourd’hui largement orienté sur cette déconstruction. C’est là le point de rencontre dont vous avez parlé tout à l’heure entre les intérêts économiques et politiques. L’effort financier pour accompagner ce projet est énorme.
Il faut prêter attention à ce qui va se passer en novembre prochain car cette stratégie de déconstruction sociétale qui a déjà été amorcée en l’Europe par les démocrates américains depuis une dizaine d’années, risque de s’accélérer avec encore plus de cynisme, de violence et de moyens indirects.
Là-dessus, quel est le rôle des ONG ?
Il est capital. Derrière cette politique se déploie une multitude d’ONG professionnelles qui accompagnent cette vision et interviennent, notamment, auprès des instances européennes. Ce mouvement touche l’Europe mais aussi l’Afrique, dont le Maghreb.
Encore une fois, cette stratégie de déconstruction est dangereuse car elle suppose des césures internes au sein des pays. Il est question de voir apparaître des clivages et des fractures au sein des sociétés.
Pendant la guerre froide, beaucoup de structures étaient des bras armés d’un bloc contre un autre. Les deux blocs ont compris qu’il était efficace de passer par des logiques indirectes ancrées dans la société civile pour affaiblir l’adversaire.
Qu’en est-il de la stratégie du Parti Républicain ?
Au sein du Parti Républicain, les enjeux sont différents et la défense des intérêts américains ne se manifeste pas de la même manière. Nous voyons très bien comment Donald Trump se conduit. Il a des actions brutales mais ce sont des rapports de force classiques : des mesures de rétorsion commerciales, des logiques protectionnistes et de l’intimidation fiscale mais cela ne remet pas en cause les bases d’une société, ses valeurs et l’équilibre sur lequel tient un peuple ou des peuples. C’est toute la différence par rapport au Parti Démocrate dont l’approche est autrement plus pernicieuse.
Dans cette équation, pourquoi le Maroc est-il pris pour cible, étant entendu qu’à travers votre analyse, Amnesty International est un relais dans l’accompagnement de cette stratégie de déconstruction ?
A partir du moment où l’ONG mène des actions contre le Maroc, elle accompagne en effet cette stratégie. L’objectif d’Amnesty est de contribuer à affaiblir le Maroc de l’intérieur.
Le Maroc est un pays qui devient important. Il attise les jalousies. Sa puissance économique et politique se renforce. Il est également une puissance régionale et un pays influent dans le continent.
C’est aussi un pays qui présente une particularité rare. Le Roi est à la fois un chef politique et un chef religieux. La société marocaine a des valeurs et le pays entend les défendre. Tant que le Roi sera le défenseur d’un Islam éclairé qui dialogue avec les autres religions et le garant de la préservation de valeurs culturelles et sociétales fortes, cela posera un vrai problème aux adversaires du Maroc. Pour le dire clairement : le Maroc constitue un obstacle à cette vision démocrate cynique. Plus un pays présente une certaine force, plus il faut l’affaiblir pour mieux le dominer. La meilleure manière de l’affaiblir, c’est par le biais sociétal. Les rapports d’Amnesty International entrent dans ce cadre.
Aujourd’hui, on s’attaque aux droits de l’homme et à la protection des journalistes pour tenter de fragiliser la puissance du Maroc. Demain et peut-être plus tôt qu’on ne le pense, ce sera la défense de la cause LGBT et ses pendants. Ils savent qu’au Maroc, les milieux conservateurs réagiraient de manière virulente. Ainsi, ils gagneraient sur les deux tableaux : d’un côté, ils auront créé une fracture au sein de la société marocaine et de l’autre ils auront mis de l’eau au moulin des groupes extrémistes. L’objectif aura été atteint. Elle est là leur stratégie : empêcher l’affirmation du modèle marocain porté par le Roi. Vous savez, en tant que citoyen français, je respecte la vision qui est la sienne pour son pays. Le Maroc est un pays ciblé. Il doit riposter.
Est-ce que pour vous, une action en justice est une manière efficace de riposter ? Là, je parle bien sûr du dernier rapport d’Amnesty International
C’est bien d’aller sur le terrain juridique mais, selon moi, cela ne suffira pas. Je vous le dis encore une fois, si les démocrates arrivent au pouvoir en novembre, les Etats doivent mobiliser des forces pour contrer cette stratégie de déconstruction. Il faut mener une guerre de l’information pour révéler ce qu’est cette stratégie de déconstruction, en identifier tous les ressorts et mettre à nu tous les réseaux qui l’appuient.
Si cette guerre de l’information n’est pas menée, Amnesty International continuera.
Source : Atlas Info