Derrière les apparences, la ville d’Ifrane agonise

Derrière les apparences, la ville d’Ifrane agonise

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Express tv/ ✍ Belkacem Amenzou:

La commune urbaine d’Ifrane tiendra sa session ordinaire du mois de février en deux séances, le 6 et le 20 février 2024, sur fond de spéculation foncière. Et ce, puisque les principaux points inscrits à l’ordre du jour s’articulent autour de cession des biens fonciers de la commune ou le déclassement du domaine public d’autres biens pour les incorporer au domaine privé de la commune.

 

Ce dernier volet balise indubitablement la voie à une cession de ces biens de la commune au privé. Le comble est que le titre foncier (N°: ك/9022) a été transféré du domaine privé communal au domaine public communal le 26 juillet 2022 et sera déclassé le 6 février 2024 pour être à nouveau incorporé au domaine privé communal. Ce point est inscrit à l’ordre du jour de cette session d’une manière ambiguë : «revoir la situation du titre foncier (N°: ك/9022) sans aucune autre explication. Incroyable mais vrai. Et dans la foulée, un lot de terrain appartenant au domaine de l’Etat au centre-ville serait visé pour le céder aux propriétaires d’une école privée.

 

Il faut dire que ça commence vraiment à sentir le roussi à Ifrane. Les structures de la gestion de la chose locale cumulent les dysfonctionnements et polluent la ville. C’est une amère réalité que les belles apparences n’arrivent plus à cacher. Tout ce mal de la ville vient de sa gouvernance locale et de certains de ses élus qui ont toujours un regard malsain sur le foncier.

 

Une colère royale sauve Vettal..

 

Pendant le mandat 1996-2003, un promoteur immobilier a fait son entrée à la commune, en tant qu’élu quelques mois, juste le temps nécessaire pour mettre la main sur un immense terrain domanial dans la zone d’Aîn Vettal où il a agressé la flore par le béton. Le pire a été évité de justesse grâce à une colère royale lorsque le souverain avait remarqué lors d’une visite dans la ville que la brique  avait bouffé les terres et la forêt, asphyxiant les poumons verts de la ville.

 

Les immeubles qui étaient alors conçus par ce promoteur n’ont pas été construits, mais des «châteaux» déjà bâtis, et qui devraient être rasés suite à la colère royale, ont été cédés à des familles, uniquement pas des compromis de vente, sans papiers et demeurent jusqu’à ce jour sans permis d’habiter, sans titres fonciers et sans enregistrement au niveau de la conservation foncière.

 

Le problème est que ces constructions anarchiques sont raccordées au réseau de l’eau potable et alimentées en électricité. Ce qui a créé un «site» sans papiers, souillant l’image de la cité. Aujourd’hui, les familles escroquées par ce prometteur, qui a pris la poudre d’escampette, ne savent plus à quel Saint se vouer, après plus de 20 ans d’attente.

 

Le constat est le même pour la résidence le Cèdre qui compte plusieurs appartements, dont la plupart sont transformés en espaces de débauche que les locataires louent à la journée et même à l’heure. Ce désordre urbain a été mis à profit par l’un des fonctionnaires influents de la commune, que les employés surnomment «architecte du mal», pour mettre la main sur un appartement dans cette résidence de Cèdre, aujourd’hui complètement informelle, pour y imposer ses propres lois. Pas loin de cette mascarade, l’immeuble de la «Paix» se vante de l’ajout de tout un étage sans aucune autorisation. Et ce n’est que la face visible de l’iceberg.

 

Plus de cinq millions de dirhams partis en fumée

 

En 2014, tout un projet immobilier a été lancé sur une superficie d’un hectare et 200M2 sur la route de Meknès (hors site). Sur papier, ledit projet est piloté par l’Association des œuvres sociales de la commune urbaine d’Ifrane, mais en réalité il s’agit de la spéculation immobilière sous toutes ses formes.

 

Géré par le président de la commune, son frère et un autre cadre de la même commune, ce projet compte sept immeubles de seize appartements chacun, (soit un ensemble de 112 appartements). Sur papiers, les appartements devraient être cédés à des prix préférentiels aux employés de la commune, mais sur le terrain c’est une autre réalité.

 

Plus de dix ans plus tard, les pauvres employés attendent toujours l’enregistrement du fameux appartement au moment où des voix montent au créneau pour dénoncer la disparition de plus d’une dizaine. Dans le lot, on parle de plus de cinq millions de dirhams qui seraient détournés.

 

Les châteaux de Mme la Marquise..

 

Dans la ville, le phénomène de l’occupation illégale de l’espace public a pris des proportions alarmantes. Dans ce cadre, des élus de la commune donnent l’exemple, en manœuvrant comme bon leur semble, battant en brèche toutes les lois relatives au conflit d’intérêts, de trafic d’influence et de délits d’initié. Tous ces circuits sont pilotés par l’«architecte du mal» qui coordonne toutes les «actions» avec la «station multiservices», communément appelée, non sans ironie, «guiche unique informel». Aucun secteur n’échappe à l’«état-major» de cette fameuse station qui dispose d’une situation de monopole dans cette zone géographique. Mais pas aux radars de la préfecture.

 

Dans certains cas, les choses frôlent l’anecdotique. Par exemple, lorsque la commission de contrôle qui veille au respect des normes et de la réglementation en vigueur en matière d’hygiène alimentaire, a épinglé le cafetier, chargé des cafés d’accueil et de pauses café lors des réceptions officielles à la préfecture et la commune, aucune suite n’a été donnée à l’affaire. De même, lorsqu’un fonctionnaire à l’administration d’Ifrane de l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie, a été surpris en flagrant délit de manipulation des données, l’affaire n’a fait aucun bruit dans la ville, en vue de dévoiler ses éventuels complices. Dans ce monde qui paraît calme et silencieux, la machine du proxénétisme tourne à plein régime. Les clients modestes sont servis aux sites informels dans la ville, tandis que la clientèle du luxe est soigneusement orientée vers le site surnommé «les châteaux de Madame la Marquise» à l’extérieur de la ville. Vivement une autre colère royale.

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