Quand le syndicat se transforme en bouclier pour la nation au lieu d’être un canal pour des financements obscurs ?
Dans un contexte régional délicat, avec les campagnes de dénigrement subtiles qui entourent le Maroc et des affrontements médiatiques déguisés, il était attendu que le Syndicat national de la presse marocaine agisse avec un sens élevé de souveraineté et soit en première ligne pour défendre l’intégrité du champ médiatique marocain. Cependant, paradoxalement, il a choisi d’ouvrir ses bras à ce que l’on appelle le « centre qatari d’information ».
Cette rencontre, promue sous l’enseigne de « coopération professionnelle et formation », ne peut être dissociée d’un contexte politique et médiatique régional tendu, ni du rôle ambivalent joué par certaines institutions médiatiques qataries dans l’alimentation de tendances séparatistes et l’accueil de voix rémunérées qui s’opposent à l’unité et à la stabilité du Maroc.
Le Qatar, pays sans syndicat de journalistes ni aucune forme de représentation professionnelle indépendante, cherche aujourd’hui, à travers ce centre, à promouvoir un discours de « soutien » et de « formation » sur la scène médiatique marocaine. La question qui ne peut être éludée est : qui soutient qui ? Et sous quelles conditions ? Acceptons-nous à bras ouverts une institution n’ayant d’autre référence que la dépendance politique, dont l’histoire récente est marquée par des traces d’incitation, d’attisation et de favoritisme dans des dossiers arabes sensibles, de l’Égypte à la Libye, en passant par la Syrie et la Tunisie ?
Comment le syndicat peut-il accepter de se retrouver à la même table qu’un centre qui n’a pas d’équivalent au Qatar lui-même, où il n’existe ni syndicat ni liberté médiatique selon les normes reconnues internationalement ? N’est-ce pas un outrage flagrant aux principes sur lesquels repose le syndicat ? Comment justifie-t-il l’ouverture d’une porte qui pourrait être utilisée ultérieurement pour orienter les journalistes, financer des programmes et endormir des voix ?
L’ancien Premier ministre qatari, Hamad ben Jassim, avait été clair dans une de ses interventions en parlant du rôle qatari dans le financement de journalistes pour les transformer en « figures nationales » dans leurs pays afin de servir des agendas bien précis. Il n’a pas nié, mais s’en est même prévalu, considérant cela comme un des outils de l’influence douce usés par Doha. Avons-nous besoin de davantage de preuves pour comprendre que cela dépasse le cadre d’un « stage de formation » ou d’un « protocole de partenariat » ?
C’est un vrai temps de vérité pour le Syndicat national de la presse marocaine. Soit il choisit sa place naturelle en tant que bouclier pour la profession et la nation, soit il se tait et laisse la voie libre à des infiltrations subtiles qui affaibliront ce qu’il reste de crédibilité et troubleront le paysage professionnel et souverain à la fois.
Nous ne sommes pas contre l’ouverture, ni en faveur de l’enclosure. Cependant, nous nous opposons à toute tentative d’infiltrer nos médias sous des prétextes scintillants. Le Maroc, qui a forgé sa place grâce à sa souveraineté médiatique et à la crédibilité de son discours, n’a pas besoin de formations douteuses, ni de financements politisés, ni de figures fabriquées dans les studios qataris.
Il est de notre devoir aujourd’hui de hausser la voix : assez des manipulations sur la profession, et suffisamment de l’implication du corps journalistique dans des combats qui ne lui appartiennent pas. Ouvrons le débat, et mettons un terme à la désinformation.
Il incombe maintenant au président du syndicat, Abdelkebir Khachichane, de clarifier à l’opinion publique : sommes-nous face à une tentative d’établir des relations professionnelles équitables ? Ou sommes-nous sur le point d’ouvrir une porte qui pourrait être utilisée ultérieurement pour faire passer des financements, établir une domination douce et orienter les journalistes marocains de manière discrète ?