Lorsque les médias parlent avec l’intelligence de l’État… et que Jacky Khokhi donne une leçon médiatique à la presse marocaine
Dans un article publié dans le journal israélien « Ma’ariv », le journaliste et analyste des affaires arabes à la radio de l’armée israélienne, Jacky Khokhi, n’a pas simplement commenté une affaire judiciaire au Maroc, mais a présenté un modèle sur ce que l’on peut accomplir lorsque les médias sont intelligemment utilisés au service des intérêts nationaux. Il a saisi une affaire qui n’a pas encore été définitivement tranchée et en a fait une plateforme diplomatique indirecte pour transmettre un message politique à Abou Dhabi, à travers le prisme de Rabat.
L’affaire en question concerne la journaliste marocaine Chama Derchoul, connue pour son audace et son attachement à la liberté d’expression. Ses positions critiques vis-à-vis des interférences étrangères dans les affaires médiatiques nationales ont souvent été soulignées. Chama, qui a signalé à plusieurs reprises les dangers de l’influence médiatique extérieure, en particulier celle de certaines puissances du Golfe, se retrouve au cœur d’un conflit judiciaire après une série de publications où elle a soutenu que certains médias nationaux subissaient des influences non marocaines. En exprimant son opinion, elle fait face à une procédure judiciaire encore en cours devant la cour d’appel.
Jacky Khokhi n’a pas abordé les détails de l’affaire par solidarité, mais plutôt par un usage politique intelligent. À un moment diplomatique critique, suite à la convocation de l’ambassadeur israélien par Abou Dhabi en raison des agressions à Jérusalem, Khokhi a choisi de rappeler aux Émirats d’une manière douce qu’ils ont aussi des interférences médiatiques dans des États alliés, et que celles-ci pourraient avoir des conséquences imprévues. Ainsi, Chama, sans le savoir, est devenue une pièce d’une équation régionale plus vaste, où ses mots passés sont réutilisés pour signifier de nouveaux messages.
La profonde ironie réside ici : Chama Derchoul, qui a plaidé tôt pour la nécessité de protéger les médias marocains des influences extérieures, se transforme aujourd’hui en symbole de cette lutte, même lorsque son cas est utilisé dans un article en provenance de Tel Aviv. Non pas parce qu’elle est complice, mais simplement parce qu’elle a dit la vérité à un moment où beaucoup choisissaient de se taire.
Ce qui frappe dans cette scène, ce n’est pas seulement l’habileté de Khokhi à écrire avec un regard souverain, mais le message indirect qui nous parvient en tant que Marocains entre les lignes : les médias peuvent être un outil discret mais efficace pour défendre les intérêts nationaux, même lorsqu’il s’agit de questions qui ne sont pas internes. Khokhi n’a élevé aucun slogan, n’a insulté personne, mais a écrit calmement pour servir l’agenda de son pays.
Il est impératif ici de nous interroger : pourquoi ne sommes-nous pas capables, nous aussi, d’utiliser nos plumes pour défendre notre souveraineté ? Pourquoi parfois nous retrouvons-nous à critiquer ceux qui s’efforcent de défendre l’indépendance des médias, au lieu de les accueillir et d’investir dans leurs capacités pour ancrer cette autonomie ?
Le Maroc, avec la maturité politique et l’évolution institutionnelle qu’il a accumulées, n’a pas besoin de traquer des voix libres comme celle de Chama Derchoul. Sa voix, même si elle contrarie certains ou dérange d’autres, demeure une partie de cette dynamique vitale qui donne à l’information son véritable goût… Une voix qui ne prône pas en dehors de la souveraineté, mais pour elle.
À une époque de grandes mutations, où les mots se transforment en armes douces, nous devons bien choisir à qui nous prêtent l’oreille, qui nous défendons et à qui nous donnons l’espace pour s’exprimer, non pas parce que nous sommes toujours d’accord avec eux, mais parce que nous comprenons que la liberté d’expression, enracinée dans la nation, ne la menace pas, mais la protège.