Dans un tournant stratégique sans précédent, le commandement américain a annoncé son intention de transférer le quartier général des forces armées américaines en Afrique (AFRICOM) d’Allemagne vers le Maroc, et plus précisément vers la ville de Kénitra, qui est devenue d’une importance particulière pour les décideurs militaires à Washington.
Cette décision, révélée par le général Michael Langley, commandant d’AFRICOM, lors d’une audition au Congrès américain, a été qualifiée de démarche audacieuse visant à renforcer la présence américaine sur le continent africain, notamment dans la région du Sahel, où des troubles sécuritaires croissants et une compétition internationale acharnée, avec la Russie en tête, se font sentir depuis plusieurs années.
Langley, s’adressant à la Commission des forces armées de la Chambre des représentants américaine, n’a pas caché l’estime que son pays porte au Maroc, le qualifiant de « partenaire le plus fiable en Afrique ». Il a souligné que ce mouvement permettra d’activer les opérations sur le terrain et d’améliorer la réponse face aux menaces terroristes, malgré les coûts élevés associés à ce transfert depuis Stuttgart, en Allemagne.
Bien que des discussions sur cette question aient eu lieu sous l’administration de l’ancien président Donald Trump, la décision n’a pris un caractère officiel que récemment, après une évaluation de plusieurs sites, y compris la base navale de Rota en Espagne et d’autres options en Afrique du Nord. Toutefois, le Maroc a nettement fait pencher la balance en raison de sa coopération militaire étroite et de son rôle croissant dans le maintien de la sécurité régionale et internationale.
Ce mouvement envoie des messages politiques clairs, surtout dans le contexte des tensions régionales et des conflits géopolitiques que connaît la région du Sahel. De plus, la décision envoie des signaux explicites aux acteurs qui exploitent le terrorisme comme instrument d’influence, notamment le Front Polisario, récemment lié par des rapports de renseignement allemands à des groupes extrémistes actifs dans le Sahel.
On s’attend à ce que la structure de commandement d’AFRICOM connaisse des changements significatifs, avec la nomination du général David Anderson de l’Armée de l’air américaine comme nouveau commandant, tandis que le général Brad Cooper prendra la tête des opérations centrales, ce qui semble indiquer un renouvellement dans la vision stratégique américaine des rôles d’AFRICOM pour les temps à venir.
Bien qu’AFRICOM ait été fondée en 2007, son siège est demeuré à l’extérieur du continent, à Stuttgart, en raison de raisons sécuritaires et politiques, notamment à la suite de l’assassinat de quatre soldats américains au Niger. Cependant, la complexité de la situation en Afrique a précipité ce réexamen de cette position.
Le mouvement américain vers Kénitra comporte des dimensions qui vont au-delà de l’aspect militaire, car il reflète, selon les observateurs, une reconnaissance implicite du Maroc en tant qu’allié stratégique fiable et rempart contre la montée des menaces terroristes ainsi que l’infiltration de puissances étrangères concurrentes en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Alors que le rythme des visites et des communications entre les responsables de la défense des deux pays augmente, cette décision est censée ouvrir la voie à des projets d’investissement américains parallèles à la présence militaire, ce qui pourrait faire de Kénitra un point d’ancrage américain non seulement sur le plan militaire, mais aussi économique et exécutif sur le continent.