Le Borj Bab Marrakech d’Essaouira accueille, jusqu’au 10 septembre 2025, l’exposition de l’artiste et médecin Mohamed Amine Najim, une manifestation artistique qui se veut à la fois un voyage esthétique et une réflexion contemporaine sur la matière, la lumière et la mémoire collective.
Conçue dans un esprit d’ouverture et de dialogue, cette exposition réunit des œuvres originales qui interpellent le regard par leur force visuelle et leur symbolique singulière. La recherche plastique focalisée sur le thème « Mir War» , à travers ses structures fragmentées et miroitantes, traduit une volonté de questionner l’identité, l’illusion et le reflet dans la société actuelle.
Cet événement , tenu dans l’enceinte historique de Borj Bab Marrakech, a été rehaussé par la présence de nombreux critiques d’art, artistes de renom ( El Mostafa Khalili , Mohammed Bouafia, Ahmed Harrouz…) et responsables institutionnels (la directrice provinciale de la Culture, Mme Rania Khouya, , la directrice de Bayt Dakira , Mme Ghita Rabouli , le président du bureau exécutif de l’Association Essaouira –Mogador , M.Tarik Ottmani , ainsi que d’autres personnalités ) venus saluer l’importance de cette initiative culturelle. Ce moment a permis d’ouvrir un débat fécond sur la place de l’art contemporain au Maroc et sur son rôle dans la mise en valeur du patrimoine architectural et urbain.
Par cette exposition, Essaouira confirme encore une fois sa vocation culturelle, en offrant aux visiteurs une expérience esthétique où se conjuguent innovation artistique, patrimoine et dialogue interculturel.
À travers cette exposition, le docteur et artiste Mohamed Amine Najim ouvre les portes de son imaginaire, de son art, de la concrétisation de sa passion. Plus de six années de recherche et de création autour des miroirs, du verre, des couleurs et des compositions poétiques y convergent, offrant ainsi au visiteur un véritable voyage onirique et réel à la fois vers un univers où se rencontrent la rigueur de la science et la liberté de l’art.
Notre être intérieur
Sur cette thématique et ses valeurs connotatives, l’artiste Mohamed Amine Najim précise : « Cette question m’a toujours effleuré l’esprit en guise d’introspection : Pourquoi choisir cette matière et pas une autre ? Pourquoi le verre, les miroirs précisément ?
La réponse qui se présente à moi en posant cette question bien profonde réside dans le fait que ce choix soit une pure coïncidence. Et c’est cette coïncidence même qui s’est incarnée en une inspiration.
Au niveau de mon environnement proche, je voyais mon cousin fabriquer des miroirs en les décorant avec de petits morceaux de verre, ce qui leur insufflait une élégance et un charme si particuliers.
Depuis mon plus jeune âge, j’admire profondément tout ce qui est artistique et sculptural. C’est ainsi que j’ai pris l’habitude de métamorphoser les formes par le biais de mon imagination. Ainsi, tout phénomène qui se présentait à moi faisait objet de diverses représentations artistiques symboliques. C’est ainsi que j’ai fait de l’imagination un véritable tremplin vers la création artistique, créative et transformatrice. Il est évident que la fonction phare des miroirs réside dans le reflet de l’image de l’homme dans son état naturel. En y creusant davantage, nous repérons une sorte de contradiction intéressante : L’homme et le verre sont liés d’une manière que nous permettrons de qualifier de fusionnelle ; le dénominateur commun résiderait dans la possibilité de rupture et de fissuration.
Le point de convergence réside dans le fait que le verre tend vers la destruction radicale, devenant ainsi inutilisable, tandis que l’homme se forge voire se renforce suite au même stimulus.
C’est ainsi que fut la genèse de cette idée de représenter l’homme à travers des morceaux de verre. Ce projet, bien que parsemé d’embûches et contenant une patience quasi méditative, s’est imposé à moi par la force d’une idée : celle de l’arbre et de la branche, une métaphore que j’évoquerai plus en détail ultérieurement. Dès les premières heures passées à sculpter, j’ai eu le sentiment qu’une entité a commencé à prendre vie sous mes mains. Des formes ont donc commencé à émerger, des branches, des feuilles également comme si la matière elle-même voulait s’exprimer par le canal de ma personne, de mon être, de mon imagination. Très vite, je me suis retrouvé au fond d’un véritable océan d’idées, un monde d’inspirations si puissantes. Le verre et les miroirs, ces éléments à la fois fragiles et puissants, m’ont offert un langage nouveau : un espace où je pouvais traduire mes pensées avec élégance, noblesse, et sincérité. Car l’art, au fait, représente bel et bien un dialogue entre l’âme et le monde ; un échange silencieux où la beauté se révèle, se transmet, et nourrit notre être intérieur ».
Le partage d’un miroir limpide
Sur son expérience artistique, José Lenzini , Écrivain journaliste, a écrit ce texte intitulé « Mohamed Amine Najim: le partage d’un miroir limpide » :
« Le bon médecin est comme un artiste : il adapte son savoir à chaque patient, comme un peintre adapte ses couleurs à chaque toile. » Ainsi s’exprimait Abū Bakr Muhammad ibn Zakariyyā (865–925) dans son traité Kitab al-Hawi (Le Livre Complet). Connu sous le nom de Al-Razi, il fut l’un des plus grands médecins, chimistes, penseurs et humanistes du monde islamique médiéval. Ce praticien pragmatique rigoureux, fut l’un des premiers à promouvoir une médecine fondée sur l’observation clinique et le raisonnement expérimental. Il refusa l’autorité aveugle des anciens (y compris celle de Gallien) et privilégia l’expérience directe du patient.
Et bien… En regardant les œuvres de Mohamed Amine Najim on ne peut s’empêcher de penser à son illustre ancêtre en médecine que fut ce penseur audacieux qui prônait la liberté intellectuelle, la tolérance et l’importance de la raison. Autant de vertus que l’on peut attribuer au médecin de Ghazoua qui nous fait la joie de nous laisser enfin découvrir quelques un de ses tableaux qui témoignent de ses qualités artistiques tout autant que de son empathie quotidienne qui fait de son regard un miroir dans lequel chaque patiente retrouve un peu de sa confuse mémoire éclatée…
À l’instar de ses compositions au sein desquelles s’interpellent, se fragmentent, se reflètent des miroirs éclatés en autant de psychés reflétant des éclaboussures d’histoire qui, chacune, se font écho dans des clichés sans fin. Le miroir devient multiple et nous entraîne dans les dédales de ses compositions que l’artiste aurait, sans aucun doute, pu réaliser sur le mode abstrait, entraînant chacun de nous dans une sorte de vortex déstabilisant. Ce médecin poète n’a pas voulu céder aux sirènes de Psyché et aux noyades suffisantes. Non ! Ses tableaux sont des représentations de notre quotidien, de celui que nous pouvons découvrir alentour, au sortir de l’exposition… Sans ces éclats de verre dessinant une troisième dimension… Celle-là même dans laquelle chacune de nous s’aveuglerait de cette obscurité, un moment illuminé, du fond de notre caverne au sein de laquelle nous parvient alors une lumière intense.
Avec une fausse minutie, Mohamed Amine Najim compose des univers, des environnements simples car il sait aller à l’essentiel et recouvrer les dessins qui nous parlent, nous interpellent, même si nous n’en savons pas les origines. Il sait dire par ses images l’incertitude dans sa probabilité… Ou le contraire. Mais, force est de reconnaître que sans son intrusion vitrière, nous n’entrerions sans doute pas dans cette dimension autre. Celle qui nous éloigne de chaque création pour nous faire entrer dans une forme d’introspection qui nous fait passer de l’universalité de chaque représentation à l’énigme de ces éclats de luminescence étranges. De l’en-dedans au par-delà…
Voilà des œuvres qui ne peuvent nous lasser tant elles nous entraînent dans ce curieux voyage auquel nous convie – un fois encore – Al-Razi pour qui « Le médecin, tel un miroir limpide, ne doit pas refléter son propre trouble, mais celui du patient, avec clarté et justesse. ».
Qui sait ? Mohamed Amine Najim se rêvait-il peintre, poète, artiste avant de prononcer le serment d’Hippocrate… Il a réalisé son rêve au-delà de tout espoir…Le voilà médecin devenu avec, de surcroît ce miroir limpide qui en fait un artiste, un poète et un peintre qui nous éclaire avec une identique clarté, une permanente justesse ! Merci à ce Lui multiple de nous ouvrir l’accès à ce monde partagé. ».
Sensibilité scientifique et artistique
Il est à rappeler que Mohamed Amine Najim est né le 11 août 1996 à Essaouira, au cœur du quartier populaire de la Sqala, dans une famille modeste composée d’un père fonctionnaire, d’une mère au foyer et d’une sœur aînée. Il passe l’ensemble de sa scolarité, de la maternelle au lycée, dans l’enseignement public, où il se distingue par un parcours remarquable et brillant, couronné en 2014 par l’obtention d’un baccalauréat en sciences mathématiques.
Animé d’une double passion pour les mathématiques et la physique, il choisit de s’engager dans des études de médecine. Huit années d’apprentissage exigeant le conduisent, en 2022, à obtenir son doctorat en médecine. Son véritable amour pour les arts plastiques s’éveille très tôt et s’enrichit au fil des années par des incursions dans l’écriture, la poésie et le « zajal ». Cette sensibilité, à la fois scientifique et artistique, forge en lui un langage créatif singulier, où la précision du geste médical rejoint la délicatesse du travail verrier. Son art, façonné de patience et de persévérance, devient le miroir de sa personnalité.
Photographie : Abdelmajid Karkar