AMAL FILALI/
Il y a des réformes qui changent la vie. Le Maroc vient d’en présenter une, et pas n’importe où : à Beyrouth, devant la Commission économique et sociale de l’ONU pour l’Asie occidentale (ESCWA). Le royaume a choisi de faire entendre une voix forte : celle des millions de femmes qui, dans l’ombre, font tourner les foyers sans qu’aucune valeur économique ne soit accordée à leur travail.
La représentante du ministère de la Justice, Rima Lablaili, a résumé l’enjeu en une phrase : « La reconnaissance du travail domestique constitue un moment d’équité historique. » Pas un slogan, mais une promesse – celle de transformer le Code de la Famille pour qu’il devienne un outil de justice et d’égalité.
C’est une avancée qui mêle audace politique et fidélité à la tradition. En ressortant des textes de la référence malikite le principe du kadd wa saaya, qui reconnaissait déjà la contribution des femmes à la richesse familiale, Rabat montre que l’égalité n’est pas un corps étranger plaqué sur la société : elle est inscrite dans son patrimoine juridique et civilisationnel. Autrement dit, moderniser ne veut pas dire renier.
L’ESCWA n’a pas caché son admiration. Pour sa directrice, l’expérience marocaine est « un modèle pionnier » dans une région où la question de l’égalité reste encore un tabou. Voilà donc un pays qui assume d’être à l’avant-garde, qui choisit d’inscrire la justice sociale dans la loi, et qui démontre que la réforme peut être à la fois enracinée et audacieuse.
Ce n’est pas seulement une fierté nationale : c’est un appel à continuer. Car la reconnaissance symbolique ne suffit pas. Il faut désormais traduire ce choix en droits concrets, en protections réelles, en politiques publiques capables de transformer la vie quotidienne.
Le Maroc a ouvert une brèche. À lui – et à nous tous – de veiller à ce qu’elle s’élargisse.