Malgré les scènes de destruction diffusées quotidiennement depuis Gaza et les discours enflammés des responsables arabes sur la scène internationale, des documents divulgués par le département de la Défense américaine révèlent une réalité bien différente qui se joue dans l’ombre : une coopération sécuritaire et militaire avancée entre Israël et six États arabes, menées en silence sous l’égide du commandement central américain, dans le cadre de ce qui est décrit comme le « nouvel agencement sécuritaire régional ».
Cette situation met en lumière un paradoxe politique frappant, révélant la fragilité du discours public et le profond changement dans la topographie des alliances régionales. Israël, malgré sa guerre controversée à Gaza, se révèle être un partenaire non déclaré pour des pays qui ont longtemps affiché des positions fermement opposées à ses politiques.
Les documents divulgués, obtenus par le Consortium international des journalistes d’investigation et publiés dans le Washington Post, ne se limitent pas à exposer cette coopération, mais identifient aussi les États concernés : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Égypte, la Jordanie et Bahreïn. Tous ces pays ont condamné publiquement la guerre d’Israël à Gaza, certains la qualifiant de « génocide », tout en menant des rencontres militaires à Doha, Le Caire, Amman et Manama, en présence d’officiers israéliens et sous la supervision directe du commandement central américain (CENTCOM).
Le facteur commun qui semble unifier ces parties est la menace iranienne. Les documents révèlent que le coordination portait sur l’échange d’informations, des formations sur la détection de tunnels, ainsi que sur les « opérations d’information » visant à contrer la « propagande iranienne ». De plus, des réunions décrites comme « de haut niveau » se sont tenues à la base aérienne d’Al Udeid au Qatar, où la délégation israélienne est entrée de manière discrète pour éviter la fuite de l’information.
Le paradoxe ne réside pas seulement dans le timing de ces rencontres, mais aussi dans leur contenu. Pendant que des capitales arabes connaissaient des manifestations contre l’agression israélienne et que leurs dirigeants prenaient la parole aux Nations unies pour critiquer le « régime d’apartheid » israélien, les coulisses militaires expérimentaient des niveaux avancés de coordination avec le même État.
Les documents indiquent que le Koweït et Oman n’étaient pas des participants directs, mais ont été « informés » du contenu des réunions, soulignant l’extension de cette nouvelle structure sécuritaire, même avec le prudence officielle de certaines capitales.
Dans le même ordre d’idées, les documents ont révélé des exercices militaires américano-arabes à la base de Fort Campbell aux États-Unis en janvier dernier, consacrés à la lutte contre les tunnels, signalant des préparatifs pour des scénarios similaires à ceux de Hamas.
L’alliance soutenue par Washington n’est pas nouvelle, mais semble plus évoluée et secrète dans le contexte actuel de conflit. Les fuites témoignent d’un effort américain pour redéfinir la carte de la sécurité régionale, en s’appuyant sur le concept de « sécurité commune contre la menace iranienne », présenté comme un prétexte pour justifier ce rapprochement rapide entre Israël et des pays arabes.
Cependant, la nouveauté réside dans le fait que cette coopération coïncide avec une guerre sanglante ayant causé la mort de milliers de Palestiniens, provoquant une colère sans précédent au sein de l’opinion publique arabe. Cela soulève de réelles questions sur la capacité de ces régimes à jongler entre les exigences de la sécurité et les nécessités de la légitimité populaire.
Les documents divulgués suggèrent que cette collaboration n’est pas prête de s’arrêter, mais fera plutôt partie des « préparatifs post-cessation des hostilités à Gaza », ce qui signifie que la guerre n’a pas mis fin à ces relations, mais pourrait même les avoir approfondies dans le silence. En d’autres termes, alors que les dynamiques militaires sur le terrain évoluent, de nouvelles dynamiques politiques se construisent, qui ne seront révélées que lorsque des documents refont surface.
Ce que révélent ces documents ne constitue pas simplement une rupture politique ou un double discours, mais dévoile une transformation stratégique se produisant dans le silence, préparant des alliances qui dépassent la question palestinienne et redéfinissent le paysage sécuritaire de la région sur la base du principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », du moins temporairement.
Ainsi, Gaza apparaît à nouveau comme un champ de bataille qui ne concerne pas seulement ses habitants, mais sert aussi de plateforme pour redistribuer les cartes de l’influence régionale, où des partenariats se forment dans des salles fermées, tandis que la colère populaire demeure sur les trottoirs, attendant un nouveau discours… ou une nouvelle désillusion.