Le débat confisqué : ce que révèle la décision de France 24

Le débat confisqué : ce que révèle la décision de France 24

najiba france 24

Par : Amal filali

Ce qui s’est produit le 25 novembre sur France 24 arabe n’est pas une erreur de coordination ni un simple couac de régie. C’est un épisode révélateur d’un malaise plus profond : celui d’un média qui, face à la pression d’un invité, préfère démanteler une émission entière plutôt que d’assumer un débat à armes égales.

Ce matin-là, la journaliste Najiba Jalal reçoit un appel de la rédaction l’invitant à participer à « Face à Face », l’émission présentée par Dounia Nawar, et consacrée exceptionnellement aux fuites récentes impliquant Hamid El Mahdaoui et la Commission de l’éthique. Professionnelle et disponible, Jalal accepte immédiatement. Elle connaît le dossier, ses ramifications, et les zones d’ombre que seule une discussion sérieuse permettrait d’éclairer.

Quelques heures plus tard, tout commence à vaciller.

À 18h58, un message tombe sur son téléphone :

« Madame Najiba, veuillez nous excuser.
L’administration semble décider d’annuler l’émission Face à Face de ce soir en raison de la complexité du dossier. Il y aura seulement une intervention brève dans le journal.
En espérant vous accueillir très prochainement, si vous le souhaitez. »

Surprise, mais surtout interpellée, Jalal répond :

« Je proteste, en tant que journaliste, contre le choix de France 24 de se contenter d’une seule opinion sur un dossier aussi sensible et dont chacun connaît les dessous. »

La réponse ne tarde pas.
19h11, 19h12, 19h13… les messages s’enchaînent pour justifier l’injustifiable :« Je comprends votre réserve… mais le présentateur évoquera peut-être le point de vue de l’autre partie. »
« Le motif est simplement le manque de temps, ce qui explique la réduction de l’émission à dix minutes au lieu de trente. »
« Nous espérons une future collaboration… »

Pourtant, la réalité est tout autre.
L’émission n’a jamais été annulée.
Elle a été dépecée, réduite, neutralisée : un format de dix minutes, un monologue, une seule voix… celle de Hamid El Mahdaoui.

La seule partie réellement supprimée, c’est la contradiction.
C’est le débat.
C’est la voix de Najiba Jalal.

Ce rétrécissement soudain — d’un débat de trente minutes à une capsule de dix — ne doit rien au hasard ni au « manque de temps ». Il intervient juste après que l’autre invité pressenti, Hamid El Mahdaoui, a fait savoir qu’il refusait de se retrouver face à Najiba Jalal.

L’homme qui se présente comme un tribun intrépide, qui enflamme les réseaux de tirades accusatrices, n’a pas osé affronter une journaliste qui connaît ses contradictions aussi bien que ses outrances.
Le courage s’arrête parfois au seuil des studios.

Mais le véritable naufrage n’est pas celui d’un activiste en quête de confort médiatique.
Le naufrage est celui d’une chaîne internationale qui, au lieu d’assumer son rôle de garant du débat public, plie le genou devant l’exigence d’un seul invité.

France 24 n’a pas seulement modifié un programme :
elle a renoncé au principe même qui fonde son existence — le pluralisme.

Najiba Jalal, dans un dernier message empreint d’une élégance professionnelle rare, résume l’essentiel :

« France 24 se contente d’une seule opinion sur un dossier sensible et complexe… C’est incompréhensible.
Je comprends les difficultés de coordination, mais pas au prix de la vérité, ni du droit du public à une image complète. »

Au final, tout est dit.

Une journaliste était prête, informée, disponible.
Un invité a fui.
Et une chaîne a préféré remodeler son antenne plutôt qu’affronter l’évidence :
la vérité ne se construit pas dans le confort d’un monologue, mais dans la confrontation honnête des idées.

Ce 25 novembre, France 24 n’a pas simplement réduit une émission.
Elle a réduit sa propre crédibilité.

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