Il pleuviote en cette journée sur Casablanca. Hamid Basket est en plein dans le montage de sa nouvelle œuvre télévisée, ‘Makatib’.
Il met les bouchées doubles pour être dans les délais. Il entend livrer le rendu final dans quelques jours. Ses yeux disent qu’il ne dort presque pas. ‘Pratiquement !’, répond-il. Et d’ajouter: ‘Quand on ne peut pas honorer ses engagements, il ne faut pas s’engager ‘. Ça résume un état d’esprit qui l’accompagne depuis toujours.
Sa relation avec les arts remonte à son enfance à Hay Mohammadi où, fin 1965-début 1966, étant à cheval entre les deux années, il a vu le jour. Non loin de Cinéma Saada. Mais aussi de la fameuse Maison des Jeunes du quartier mythique de Casablanca.
À l’âge de neuf ans, Hamid Basket perd son père. Et c’est sa vie qui bascule. Six enfants en charge, la maman prend en main l’épicerie du père qui se trouvait non loin de la salle de cinéma. Lui aussi y mettait du sien. Un repère dans la vie de celui qui allait se retrouver, des années plus tard, devant et derrière la caméra.
Le réalisateur de ‘Silence des papillons’ parle avec beaucoup de tendresse, de ces années-là. On l’entend dans le timbre de sa voix. On le voit dans le geste lent de ses mains. On le ressent dans son regard. Notamment lorsqu’il parle de L’haj Touhami Jourmkani, à l’époque président de l’association Achbal al-Baida. ‘L’homme qui m’a initié et accompagné dans mes débuts’, dit-il non sans émotion.
En effet, comme dans un conte de fée, il se retrouve, pratiquement par pur hasard, sur les planches. Nous sommes en 1979, Hamid avait 14 ans. Lui, qui fréquentait la Maison des Jeunes, avec un penchant particulier pour la boxe, s’aventure sur scène. L’essai est concluant. Il est adopté. Il tape à l’œil et le voilà propulsé en premier rôle, un an après, dans la pièce ‘wak wak al hak’ où la troupe s’est investie ‘corps et âme’, notamment sur les planches du ‘regretté’ Théâtre Municipal avant sa destruction. Une pièce qui, à l’époque, avait eu ‘un succès retentissant’, souligne-t-il.
Entre stages et pièces de théâtre, le personnage ‘se compose’.
La passion prend de l’ampleur. Elle se développera au collège et au lycée. Mais, la passion, à elle seule, ne suffit pas pour cet assoiffé. Sans le Bac, Basket passe le concours de L’ISADAC avec brio. On lui fait savoir que ce n’était pas possible d’entrer sans le ‘sésame’.
La rentrée d’après près, il revient avec son Bac. Le voilà à l’Institut de Rabat. En 1991, Hamid décroche, Major de sa promotion, son diplôme.
Les voies sont ouvertes. Il multiplie les rôles et les rêves. Certaines déceptions ne marqueront pas non plus. ‘Cela ne m’arrête pas’, lance-t-il. ‘Bien au contraire !’.
Le premier contact avec le cinéma arrivera. Il joue, sous la direction de Hamid Bennani, dans ‘La prière de l’absent’. Et on le retrouvera dans d’autres rôles, notamment dans le célèbre film de Saad Chraibi , ‘Femmes et femmes’.
Dans la foulée le coureur de fond en lui l’emmène en Italie. Il se forme, se performe et se cherche. Dans la foulée, aussi, il se permettra de dire non à certaines propositions ( présentateur télé, rôles dans des séries…). ‘J’avais envie d’avancer. Je ne voulais pas être freiné dans mon élan’, confie celui qui allait se frotter aux grands en tant qu’assistant réalisateur. Et surtout régisseur général dans ‘Spy Game’ d’un certain Tony Scott.
Côté Assistanat, Basket qui, à un moment, avait sacrifié l’Actorat sur l’autel de la production, aura surtout été marqué par son expérience avec André Téchiné dans ‘Loin’. N’empêche, chemin faisant Hamid dit n’avoir jamais raté l’opportunité de jouer dans des productions étrangères. ‘Des cycles de formation rémunérés’, note-t-il, le sourire au coin des lèvres. Tout en se rappellant du film ‘Le pain nu’ de Rachid Benhadj où il avait campé le ‘rôle’ d’assistant à la réalisation.
»Les amants de Mogador’, de Souheil Ben Barka, est une ‘autre belle et instructive aventure’. En vrai assistant, qui ne néglige aucun détail, Hamid séduira le grand cinéaste qui le surnomera ‘le nègre du cinéma marocain’.
En reconnaissance de ses capacités d’organisation et de production, Ben Berka lui fera l’honneur d’un dîner en face-à-face. Une ‘reconnaissance qui m’a fait oublier des nuits sans sommeil’, raconte-t-il.
L’enfant de Hay Mohammadi semble avoir reçu un nouveau diplôme.
Ça résume tout !
En connaisseur des ficelles, il passe, avec aisance et non sans problèmes, à la production. Le réalisateur de plusieurs court-métrages sur le long de son parcours, fera dans l’exécution comme dans la co-production. Sans parler des documentaires qu’il a réalisés, dont ‘Ibn Battouta’ où l’on retrouve le chercheur en lui.
Mais, il n’y avait pas que du rose dans le tableau. Deux expériences, entre autres, lui restent au travers de la gorge. L’École des métiers de cinéma de Sidi Moumen et la prise de la direction du théâtre de Mohammedia.
Dans ces deux séquences, Hamid confie avoir eu ‘l’envie et la volonté d’apporter un plus à la vie artistique du pays, mais les obstacles ont brisé l’élan’.
Basket en parle, sans verser dans les détails, avec regret. Surtout, l’école qu’il considérait comme son bébé.
Avec un tel parcours, rien d’anormal qu’il fasse des jaloux et des admirateurs.
Hamid Basket, sans rancune et sans fanfare, pense davantage à ce qu’il a envie de faire: des œuvres qui feront date. Discret, il n’en dit pas plus !